Les Louboutins de ma fille |
Tu me demandes comment se sont passées les retrouvailles avec Fon et Nam. Très bien !... Mais ce n'est pas si simple.
Si Fon s'éloigne de plus en plus des charges épuisantes de la
première maternité et retrouve le pep qu'elle avait avant sa
grossesse, Nam en revanche…
Nam va bien, incontestablement. Elle se
développe bien, elle est sociable, souriante. Les inquiétudes péri-natales que nous avons eues sont oubliées : les petites malformations cardiaques et artérielles sont sans doute rentrées dans l'ordre, de même que son immaturité hépato-cellulaire, due à sa prématurité. Nous ferons plus tard des examens de confirmation - rien ne presse. C'est une enfant solide. En ce moment, elle ne
rêve que de marcher – et elle n'en est pas loin.
Pendant mon
absence, je la voyais grâce à Skype, et il me semblait bien qu'elle
me regardait. Ou regardait-elle le téléphone de Fon ?
Mon retour n'a pas été accueilli par
un enthousiasme débordant, au contraire. Il m'a semblé que Fon
avait peur de moi. Certes, je sais bien qu'il y a une « angoisse
du huitième mois », durant laquelle les bébés les plus
sociables pleurent quand un inconnu s'approche et « collent »
à leur mère plus que de raison. C'est sans doute le moment où les
circuits de reconnaissance des visages commencent à être vraiment
au point, et que chaque figure familière s'individualise dans les souvenirs - les "stocks mnésiques".
Mais la comparaison avec la famille de
Fon me rend un peu triste. Nam n'a aucune peine à faire un grand tour de
la maison toute seule dans les bras de son oncle, à rester avec son
grand-père ou sa grand-mère.
Avec moi, elle veut bien s'amuser et
rire, et nous avons renoué
avec les pseudo-conversations faites de cris et syllabes
répétées, de grimaces en miroir. Parfois - pas assez souvent à mon goût - elle va jusqu'à ma chaise et me regarde d'un
air comminatoire : «qu'est-ce que tu attends pour jouer avec
moi ? »
Mais la plupart du temps, quand je la prends
dans mes bras, elle se met à pleurer. Très vite, elle veut
retourner dans les bras de sa mère. Et si Fon disparaît de sa
vision, ce sont des hurlement, systématiquement. Fon est le médiateur
obligatoire. Ça finit par être angoissant. Outre que je ne peux pas aider Fon en gardant Nam.
Hier, nous sommes allés rendre visite à
Rye, l'australien. Nam est restée tranquillement dans les bras de Nisa, sa femme.
Mais quand Rye s'est approché d'elle, Nam a fondu en larmes.
« Elle n'est pas habituée aux
visages des farangs », m'explique calmement Fon.
Oui, j'ai souvenir d'avoir lu dans un livre remarquable de Steven Pinker sur les caractères innés et acquis (The blank slate)
qu'une étude sérieuse avait mis en évidence des comportements
différenciés chez les bébés en fonction de la couleur de peau –
bref, que les bébés étaient naturellement racistes. Rien
d'étonnant que Nam ait un mouvement de recul et de méfiance devant
ces visages différents, ces personnages bien plus grands et massifs
que ne sont les thaïs.
Alors bon. Je sais. Ce n'est qu'une question de temps.
Restons philosophe.
Au fait, tu sais, Nam enseigne les danses thaïes traditionnelles |
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