mardi 31 janvier 2017

Accrochage avec un thaï



Rester zen en toute occasion...


Hier, je suis allé à la chasse - la chasse sous-marine. Comme d'habitude, j'ai garé le pick-up dans un vague parking - un endroit qui sert de zone de transit pour un hôtel. Je m'étais rangé sur la route la première fois, mais on m'avait fait observer que le chemin était étroit, et qu'il valait mieux pour tout le monde que je me gare à cet endroit. Depuis, j'y ai laissé mon engin sans me poser de question - cette place en plein soleil n'a rien de spécialement intéressant.

Après une chasse longtemps infructueuse - trois prises en trois heures - la chance a tourné et j'ai tiré cinq poissons durant la dernière heure. Rien de bien gros, mais de quoi servir de bonnes fritures pendant deux jours. J'avais passé beaucoup de temps dans l'eau, j'étais fatigué, et je n'avais qu'une envie, rentrer.

J'ai pris l'habitude de mettre mes poissons dans un sac pour les protéger du soleil - on ne peut pas savoir ce que j'ai attrapé à moins de l'ouvrir. Je suis arrivé près du pick-up, je me suis déshabillé rapidement. Un type m'a hélé avec une désagréable familiarité, me demandant ce que j'avais pris. Je lui ai répondu que je n'avais rien pris d'intéressant, que des petits poissons. Il a demandé à regarder. Je lui ai dit que je préférais que non, je voulais rentrer, ma femme m'attendait… mais pour atténuer mon refus, je lui ai dit en plaisantant (à moitié) que je n'avais pas envie d'avoir noi na, la honte, parce que je n'avais pas pris de gros poissons. Je ne sais pas s'il m'a compris. Quand il a vu que j'entrais dans la voiture et que je m'apprêtais à démarrer, il s'est précipité sur ma portière, que j'étais en train de fermer, et l'a retenue...

Je pense être comme tout le monde, j'ai horreur qu'on me force la main. De plus, je supporte assez mal l'indiscrétion - sans doute plus mal que d'autres. En Thaïlande, il faut pourtant s'habituer à répondre avec le sourire quand on vous demande mille fois notre nationalité. Les thaïs sont d'une curiosité qu'aucune politesse ne semble modérer. On leur doit de dire d'où on vient, où on habite, éventuellement si on est marié avec une thaïe, depuis combien de temps on habite ici. Ne pas répondre (ou répondre "What the fuck, is that your business !!!" - grosse tentation) serait très mal considéré. Il existe une obligation de présentation qui n'existe pas en occident. D'autant plus vivace qu'avec un régime militaire, le contrôle fait partie de la vie quotidienne.

On pourrait considérer ces questions comme un signe d'intérêt. Non, et je suis catégorique. La plupart du temps, c'est une simple curiosité, et il n'y a pas la moindre lueur d'intérêt - sinon parfois vénal. Il m'est arrivé de supporter ce type de question en Indonésie, et la tonalité est différente. Par exemple, j'ai souvenir d'étudiants qui m'ont interrogé à brûle-pourpoint sur le mode de vie occidental : j'ai répondu avec plaisir. Mais cette espèce de fichage sommaire auquel on est soumis parce qu'on est farang, ça ne passe pas.

Bref, une violente irritation m'est tombée dessus quand l'homme a retenu la porte. Irritation qui a encore augmenté quand il m'a expliqué qu'il était le propriétaire de l'hôtel - laissant entendre que cela lui donnait des droits sur les gens qui se trouvaient sur ses terres. S'il avait eu un ton moins comminatoire, j'aurais pris cinq minutes, et je lui aurais montré les poissons. Mais il avait une sale gueule, un sale comportement, et j'étais fatigué.

J'ai donc répondu que je m'excusais, et que je ne reviendrai plus me garer ici puisque cela semblait poser problème - même si c'était quelqu'un de l'hôtel qui m'avait invité laisser la voiture sur cet emplacement. Là-dessus, je lui ai dit bye-bye, et j'ai commencé à tourner la clé de contact.

Il a alors poussé ma main, et mis la sienne sur la clé, comme s'il allait la prendre. Alors là, je l'ai repoussé assez vivement, et je l'ai regardé d'un air qui a déjà fait reculer un prof de math et un prof de philo quand j'étais lycéen - ne rigole pas, ne me demande pas quel air : je ne fais pas exprès, mais je te dis qu'en voyant mon regard, ces profs ont reculé de deux mètres, ils ont pris une grande respiration et m'ont renvoyé à ma place. C'est vrai, ces profs, ce n'était pas des mecs de la mafia. Je ne dis pas que je fais peur - juste que quand je ne suis pas content, ça se lit assez bien sur ma figure.

Il a senti qu'il était allé trop loin. Il a commencé à faire son mielleux, à dire qu'il fallait rester calme, qu'il demandait juste à regarder mes poissons, parce qu'il y avait une espèce que je n'avais pas le droit de chasser, et qu'il voulait s'assurer que je n'en avais pas pris. Et du baratin du même genre. Mais toujours insistant et bloquant la porte.

Je lui ai répondu que pour le poisson interdit, je savais (cf. l'anecdote que je raconte ici), et que je n'en avais pas pris. Et que je n'aimais pas qu'on me force - chan mai chop mi khon ti ban kap chan. Et que non, je ne voulais pas qu'il regarde, je voulais partir immédiatement.

J'ai vu dans le vide-poche de ma portière le solide couteau que j'y laisse comme outil - et une pensée m'a traversé l'esprit en éclair, aussitôt repoussée. Mais c'est dire à quel point j'étais agacé.

Je passe sur d'autres détails. Au cours desquels j'ai appris qu'il n'était pas le propriétaire, mais le fils du propriétaire. Finalement, il a gueulé qu'il ne voulait plus que je me gare ici, qu'il ne voulait plus que je pêche ici (au nom de quoi ?) Il a dit qu'il allait appeler la police. Très bien, parfait, lui ai-je répondu. Il y a eu un gap. Sans doute, il ne pouvait pas imaginer que j'aie le cul propre et que je refuse de me soumettre à son contrôle. Il a claqué ma portière en gueulant je ne sais quoi.

Je suis reparti. J'ai raconté l'épisode à Mai, qui m'a recommandé de ne rien faire - ma tendance naturelle aurait été d'aller au commissariat pour évoquer l'incident, ou peut-être d'aller voir le père sous le prétexte d'avoir utilisé une place sur son terrain, et de m'excuser pour amener l'affaire au jour...

J'ai aussi réfléchi à l'épisode. J'ai eu la malchance de tomber sur un petit chef, genre cacique local qui se croit tout permis. La réalité de son pouvoir est une vraie question, dans une petite île où tout le monde se connaît, c'est le fils d'un notable, sans doute - car être propriétaire d'un hôtel doit vous donner ce statut. Il y avait d'autres employés de l'hôtel dans le secteur. J'étais sur "son" terrain. J'ai bien fait de rester zen et de ne pas sortir de l'auto.

Mai a raconté l'histoire à une connaissance - la propriétaire d'un autre hôtel - qui lui a dit qu'un cas de dispute analogue s'était produit, et qu'à titre de rétorsion, le type s'était fait casser la jambe.

Comme quoi, le pays des mille sourires…

Non, je n'ai pas pris de photo - c'est juste un portrait-robot que j'ai fait après



dimanche 29 janvier 2017

Grosse surprise : les marées dans le golfe de Thaïlande



Une grande marée bretonne, près de chez moi, dans le Morbihan : ça a de la gueule, quand même !

Pour un breton, la marée en Thaïlande, c'est un choc. Au lieu de nos deux marées par jour (deux hautes, deux basses sur environ 25 heures), je découvre des marées qui n'en finissent pas. Plus de douze heures !...

Résultat pratique, si on dépend de la marée pour faire quelque chose - baignade, chasse-sous-marine  - c'est bien plus compliqué qu'au Guilvinec !

J'ai donc cherché quelques sites qui donnent la marée sur internet, j'en ai trouvé trois (notamment l'excellent Wisuki.com), et j'ai essayé de comprendre.

La première découverte, c'est que la côte ouest de la Thaïlande (la mer Andaman) jouit du régime de marées breton - les veinards !

La deuxième découverte, c'est que mes observations à Ko Kut (donc à l'est du golfe de Thaïlande) sont à peu près comparables à celles qu'on pourrait faire à l'ouest, de l'autre côté, par exemple à Hua Hin.

La troisième découverte, c'est qu'il n'y a que deux marées par jour au lieu de quatre dans le golfe de Thaïlande. Pourtant la lune est la même, le soleil qui joue aussi un rôle non négligeable aussi. La mer n'est pas plus visqueuse... Je pense que c'est la forme du golfe qui joue. Quand il est rempli au maximum, il met un temps fou à se vider.

La première marée, avec la lune au dessus de la Thaïlande, remplit le golfe. Puis la lune s'en va et la mer baisse. Quand la lune arrive de l'autre côté de la terre, douze heures après, une seconde marée montante arrive mais elle ne réussit pas vraiment à s'opposer au jusant, à la descendante, car le golfe n'a pas eu le temps de se vider.

Alors cette marée épuise ses forces en vain. Quand le coefficient de marée est important, il y a tellement d'eau à évacuer qu'on ne voit même pas le petit rebond montant. Il n'est perceptible que si le coefficient de marée est faible.

Voilà comme j'interprète les choses - sans doute de manière grossière car il y a des décalages, des asymétries est/ouest, et surtout des inerties. Honnêtement, je ne me suis pas pris la tête. Peut-être je me trompe du tout au tout, et j'attends les démentis et précisions de lecteurs qui en savent plus.


C'est certainement joli... mais la plage est très étroite ici, voire inexistante - Ao Phrao à Ko Kut

Bizarrement, la côte ouest du golfe de Thaïlande semble plus remplie d'eau que la côte est d'après les relevés des marées : la mer en pente, ce serait pas encore un coup de la force de Coriolis ? (tu sais, cette force qui fait tourner l'eau des chiottes dans le sens inverse des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère nord, et inversement dans l'hémisphère sud.)

Dernier point qui va sans doute plaire au touriste qui veut se baigner jour et nuit : l'amplitude des marées est faible, un mètre trente environ pour les plus grandes marées. Donc il y a presque toujours de l'eau. Sauf quand on est sur un rivage au fond plat et qu'on est parti pour un régime de basses mers de 12 heures du matin au soir.

A l'inverse, j'ai été surpris de voir la faible surface de plage accordée aux baigneurs avec un régime de haute mer du matin au soir. Heureusement qu'il y a peu de touristes sur mon île, sinon, ils seraient vraiment serrés ! D'ailleurs, les chaises longues sont plus souvent sur l'herbe que sur le sable.

Ah oui, l'amplitude faible, c'est pour le golfe de Thaïlande. Du côté Andaman, dans l'océan indien, l'amplitude est double (2.7m). On comprend que ce golfe de Thaïlande, c'est un endroit complètement engorgé où l'eau circule mal.

En tout cas, il n'est pas idiot de regarder les tables de marée et de tenter de s'informer de l'état du rivage quand on a décidé de faire la ventouse sur la plage d'un hôtel en Thaïlande (ou qu'on est un fana de beach volley : le beach volley sans beach, c'est pas terrible. A bon entendeur, salut !)

*     *
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[Appendice : on sait que les chats ont l'oreille fine : ce sont de bons entendeurs ; on peut en déduire la formule, par substitution :
à bon chat, salut !
Ce qui me semble plutôt sympathique - saluer un bon chat. Mais on sait aussi que :
à bon chat, bon rat !
Des deux formules précédentes on déduit facilement :
à bon rat, salut !
Pourquoi pas. Et aussi,
à bon entendeur, bon rat !
Là, la formule est un peu énigmatique, pas très facile à caser dans un blog, mais je trouve qu'elle ne manque pas de panache.]




vendredi 13 janvier 2017

Le pied-donnez, la mer-en-pente et l'ogre aux crocs-de-sept-lieues de Ko Kut


Un matin que je me promenais dans Ko Kut, j'ai rencontré un ogre terrifiant.
Il me dominait de sa hauteur et laissait voir des dents de carnassier.
Sur son marcel était lugubrement écrit "Funny" !


"Regarde, me dit-il, qui je viens d'écornifler !
Ils n'ont pas voulu suivre ma leçon. Ton sort ne sera pas meilleur si tu ne m'écoutes pas !"
Et je vis sous ses crocs-de-sept-lieues deux cadavres encore pantelants...


"Mais si tu m'écoutes, tu apprendras très vite le croc-surf.
La première chose à faire est de trouver une mer-en-pente.
Je reconnais que c'est pas facile..."


"Quand tu l'as trouvée,
Tu t'accroupis dans tes crocs
Et tu te laisses filer."


"Pour tourner, tu tends le bras
Du côté où tu veux aller et tu penches...
Tu suis ?"


"Si tu vas trop vite,
Tu peux faire le frein avec tes fesses. Comme ça.
Sur une mer-en-pente, ça fait même pas mal."


"Mais dis-donc,
Ça n'a pas l'air de beaucoup t'intéresser, ce que je dis !"
Et l'ogre me jeta un regard sanguinaire et effrayant !


"Puisque c'est ça, tu vas voir !"
Et il me fit un terrible pied-donnez,
Dont je ne suis toujours pas remis !


(avec la participation d'une jeune actrice locale - étoile montante - que je remercie)

dimanche 8 janvier 2017

Maigrir en Thaïlande ? Panorama diétético-gastronomique


Marché au légumes. En Thaïlande, carotte se dit kèrot... comme en anglais, bien sûr !
 
C'est un sujet un peu con. J'ai hésité avant de l'aborder. Mais non, la santé, le corps, c'est important ! Ce qui m'arrive, il y en a sans doute d'autres à qui c'est arrivé. Et j'aimerais bien connaître leur opinion. Alors j'y vais.

Il y a des gens qui ont des recettes infaillibles pour maigrir, mais qui ne maigrissent pas. Moi, c'est le contraire ! Je n'ai aucune recette, mais depuis que je suis en Thaïlande, je maigris. Pas énormément, peut-être deux ou trois cent grammes par mois. Mais au bout d'un an, ça fait quelques kilos en moins. Dans dix ans, si ça continue, il ne restera que la peau et les os !

Et bien sûr, je ne suis aucun régime.

Quand je suis arrivé en Thaïlande, j'étais en légère surcharge pondérale au regard des normes diététiques, peut-être trois ou quatre kilos. Maintenant, je suis bien dans la norme. Sans faire attention. Alors qu'est-ce qui change ici ?


Le sport et la théorie de la Maserati et de la 4L.
En Thaïlande, il fait bon, il y a les activités de plein air, l'exercice… Mais il y a aussi la chaleur qui t'écrase. Alors pas si sûr qu'on maigrisse à force de faire du sport. D'ailleurs, est-ce que le sport fait vraiment maigrir ? Non, il sculpte le corps, il transforme les infiltrations graisseuses en muscles.

Bien sûr, il y a la théorie de la Maserati et de la 4L. Quand tu vis ta vie normale - quand tu ne fais pas de sport, vingt-trois heures sur vingt-quatre - tu es comme une Maserati qui consomme beaucoup plus d'essence à 90 km/h qu'une 4L. Tes gros muscles sont comme les trois litres de cylindrée d'une voiture de sport, ils consomment du sucre, même à vitesse modérée.

Mais au final, le bénéfice n'est pas énorme car tu vas plus souvent à la pompe… et le sport te donne la fringale : le bilan calorique n'est pas forcément négatif.


La diététique culturelle
En Thaïlande, on ne prend que deux repas par jour en principe. Le sucré de fin de repas n'a rien d'obligatoire : ma fille est privée de dessert tous les jours ! Mais on grignote entre ces deux repas. Il m'arrive régulièrement d'avoir faim à 16 heures : mon petit déjeuner pris à 9h30 est bien loin. Le fait de ne prendre que deux repas par jour, sans dessert systématique, joue forcément dans la perte de poids.

[En France, tout le monde ne peut pas prendre son petit déjeuner à 9h.30, il y a le travail, des obligations que je n'ai pas. Et si on le prend à 7h du matin, on doit commencer à avoir faim à 14 heures : journée longue comme un jour sans pain !]



Les fruits viennent de la région. Sans doute pas plus de 50 km à la ronde. A part les pommes emballées dans du plastique - qu'on appelle pom-eppen (apple) en thaï.

Et le riz ? Plus diététique que les nouilles, les pommes de terre, le pain ? Pas certain. Mais l'absence de baguette évite la tentation. Et pour nous, le riz matin et soir peut lasser. Alors que la baguette beurrée trempée dans le café du matin est oubliée le soir devant un somptueux plateau de fromage et la corbeille de pain croustillant juste à côté...

Certains régimes préconisent des thés "amaigrissants". J'adore le thé et j'en bois plus d'un litre le matin avant le petit déjeuner. Mais je suis persuadé que cela n'a aucune influence sur mon poids. Car même si le volume liquide peut procurer une petite impression de satiété, je confesse prendre mon thé avec du lait, ce qui annule un hypothétique effet thé. Et puis du thé, j'en bois presque autant en France.

Le beurre et l'huile ? La cuisine thaïe est faite à l'huile. Je ne pense pas qu'il y ait une incidence. Il y en a une sur la santé - graisses saturées ou insaturées - mais cela ne joue pas sur le poids.

En revanche, il y a toujours des légumes verts et des crudités sur la table. Et à part le riz, jamais de féculents. Ce régime vert joue sans doute un rôle.

En France, j'ai une cave, et je bois une demi-bouteille de Bordeaux par jour, pour le plaisir (et parfois l'ivresse). Ici, je prends assez souvent le soir un petit trait de vodka avec du citron vert. J'ai calculé dans un autre post (Clic ici : cirrhose au citron vert) que cette vodka n'avait certainement pas d'influence sur mon poids. Alors que le Bordeaux, peut-être…

Mais je pense qu'une grande partie du mécanisme d'amaigrissement vient de la privation de beurre et de fromage. Et du pain qui va avec.

Les obèses thaïs : contradictions et conclusions
Je ne suis pas certain que l'amaigrissement touche tous les "farangs" qui habitent ici à l'année... Beaucoup mangent à l'occidentale, autant qu'ils peuvent, en s'approvisionnant dans des grands magasins spécialisés comme Tesco, une chaîne anglaise, et Makro (quel drôle de nom). Ils n'y a donc pas de changement de régime, donc pas de raison de maigrir ou grossir.

En se nourrissant comme les thaïs, ça donne une chance. La privation naturelle de pain, de beurre et de fromage peut créer le petit déficit calorique quotidien qui aboutit à un amaigrissement progressif. Avec les deux repas, l'absence de dessert, l'absence de féculents, le régime vert.

Tu vas me dire que les thaïs souffrent souvent d'obésité - ils sont deuxièmes dans le classement de l'Asie. Très juste. C'est pourquoi il faut retirer la bière - servie ici en bouteilles de 66 cl - et les sodas sucrés. Et toutes les saloperies occidentales qu'on leur fourgue, biscuits, viennoiseries, barres chocolatées…

Mais le vrai facteur d'amaigrissement est ailleurs. C'est la gourmandise.

En France, il y a des plats… j'en reprends… et j'en reprends encore… trop bon ! En Thaïlande, non : la gourmandise, connais pas ! Ah si, je confesse, la citrouille œufs-poulet que prépare Fon, : une tuerie !

Simple, bon et sans doute diététique



Incompréhension culturelle autour d'une poêle à frire




Une omelette trop cuite, des végétaux bouillis, trois feuilles de salade, une sauce au poisson qui n'inspire aucune confiance
et qui emporte la gueule ; et surtout, du riz, encore
du riz, toujours du riz ! Heureusement, la compagnie est agréable...


Quand on va au restaurant en Thaïlande - et pas seulement les petits restaurants où l'on trouve un riz cantonais pour un euro, mais tout autant dans les hôtels pour touristes - l'arrivée des plats est espacée d'au moins dix minutes. Largement assez pour que le premier refroidisse.

En France, ce service serait vertement critiqué par les clients, habitués à ce que tout le monde commence son plat en même temps.

En Thaïlande, l'art de la table n'entrera jamais dans la liste du patrimoine culturel de l'humanité. Le repas n'est pas une cérémonie. D'abord, on peut commander à n'importe quelle heure, onze heures du matin ou quatre heures de l'après-midi. Car il n'y a que deux repas par jour, et on se nourrit quand on a faim. Et quand le plat arrive sur la table, on mange sans attendre les autres. La convivialité passe par d'autres chemins. Des gens de tous âges se réunissent autour d'une table pour consulter indéfiniment leur smartphone, et cela ne semble pas considéré comme impoli. C'est peut-être même une nouvelle forme de convivialité. Comme d'aller ensemble au cinéma : on ne se parle pas plus.

Si on y réfléchit, l'arrivée décalée des plats est un signe de qualité. La cuisine est faite au fur et à mesure. Pas de décongélation, pas de plats tout préparés. C'était ainsi en France il y a un demi-siècle, avant que les consommateurs ne fassent valoir leur souhait de commencer en même temps… et avant que les surgelés ne constituent 90% de ce qu'on sert au restaurant - c'est un ami critique gastronomique qui me l'a dit.

A la maison comme au restaurant, il n'y a qu'un feu - gaz ou électricité selon les facilités qu'offre l'endroit. Avant de partir pour Ko Kut, nous avons acheté une poêle électrique, seul moyen de cuisson possible dans l'île à part le barbecue, le gaz nécessitant le transbordement de grosses bouteilles.


Restaurant avec terrasse : on y mange plutôt bien. Affichage des prix de rigueur - autour d'un euro le plat.

La panne

Ce matin, Fon m'annonce que la poêle électrique est en panne. Quand elle la met en route, de la fumée sort à l'endroit où est branché le câble d'alimentation. Ce n'est pas une panne compliquée, mais c'est une panne dangereuse - imagine qu'il y ait de l'huile bouillante dans la poêle et que le feu prenne.

Nous avons acheté la poêle il y a deux mois seulement, au Big C de Korat. Je dis à Fon qu'il faut faire jouer la garantie.

- Mais j'ai trop utilisé la poêle, c'est de ma faute !

Elle a utilisé la poêle deux fois par jour, certainement pas comme la cantinière d'un régiment. J'essaye de lui démontrer qu'elle en a eu une utilisation normale. En revanche, ce qui n'est pas normal, c'est que la poêle tombe en rade au bout de deux mois.

- Mais c'est sans doute parce que c'est un produit de mauvaise qualité.
- Je ne sais pas s'il est de mauvaise qualité ou si c'est un problème spécifique à cet exemplaire, mais en tout cas, c'est dangereux, et le fabriquant est responsable.
- Non, c'est nous. Nous n'avons pas acheté ce qu'il fallait…

Je lui rappelle qu'elle a longuement consulté le vendeur. On aurait dit qu'elle achetait une voiture... C'était tellement ennuyeux que je suis parti faire de la vitesse entre les rayons avec Nam dans le caddie.

- Si nous avions acheté plus cher…

Je lui dis qu'elle n'a pas pris la moins chère… Et que s'il faut acheter une nouvelle poêle tous les deux mois, alors ce sont des poêles qui sont extraordinairement chères !

- Mais non, en Thaïlande, ce qu'on achète est souvent de mauvaise qualité, c'est normal, ce qui arrive. Et ce qu'on devrait faire, c'est faire réparer la poêle chez un réparateur. Ce serait beaucoup plus simple.

J'essaye de lui faire valoir que le fabriquant trouvera peut-être utile qu'on lui signale une série défectueuse. Et que la garantie n'est pas faite pour les chiens, mais pour ce genre de situation.

- Tu n'obtiendras jamais de remboursement ou de bon d'achat. C'est comme ça en Thaïlande. Tu ne sais pas comment ça marche ici, tu es farang.

Je lui rappelle un épisode vieux d'un an : nous avions acheté des fauteuils chez Do Home, et l'un d'eux s'est complètement démantibulé en trois semaines. Certes, il avait fallu négocier ferme, mais ils avaient fini par le remplacer.

- Oui, parce que tu es farang, et qu'il a eu peur de la grande bouche des farangs…

L'entente d'une couple mixte - je veux dire d'un couple thaï-farang - tient parfois à des broutilles. J'ai envoyé un mail au fabriquant… mais je pense que cette histoire va se terminer chez le réparateur du coin. Après tout, il y en a pour un millier de baht au maximum, on ne va pas se pourrir la vie pour si peu.

Et peut-on exiger rigueur et encadrement législatif des contrats, protection du consommateur quand on a décidé de vivre ici pour la modération de la réglementation et la liberté qui en découle ? Il faut être cohérent.

Cuisinière au charbon de bois à la campagne : risque de panne zéro !

jeudi 5 janvier 2017

États d'âme


Ce matin, il y avait des grosses vagues…

Oui, ce matin je suis partie avec Nam à l'hôtel où nous avions séjourné quand nous avons découvert Ko Kut. C'est un grand hôtel avec une belle pelouse anglaise. Il est juste en face d'une plage magnifique, avec un ponton, du sable fin, des forêts de cocotiers. Tout ce qu'il faut pour fabriquer du rêve.

Derniers jours pour les vacanciers venus passer le nouvel an au soleil. On voit cahoter une carriole couverte de bagages - direction le taxi, que certains appellent la bétaillère : simple pick-up couvert, avec des marches à l'arrière et un banc de chaque côté. Il faut être à l'embarcadère avant dix heures. Alors on se hèle, on se dépêche…

Tu sais bien à quoi ça ressemble, un touriste qui part : c'est un mélange de tragique et de comique, voire de grotesque, avec les souvenirs qui n'entrent pas dans la valise, le chapeau et les lunettes de soleil, obligatoires. Je les imagine dans trois jours au bureau, avec leurs traces de bronzage, un peu hagards, encore décalés : ils ont à peine le temps de s'ajuster ici qu'il leur faut repartir - c'est dur… Maintenant qu'ils ont fait la Thaïlande, où partiront-ils la prochaine fois ?

Je m'en fous ! Nam et moi, nous aurons de nouveau la plage à nous tout seuls.

Nam est très à l'aise dans l'eau avec ses deux petites bouées roses au bras. Avant-hier, j'ai même vu qu'elle pouvait un peu de déplacer. J'ai longtemps cherché comment elle faisait. Je crois que c'est un genre de pédalage dans l'eau, presque vertical. Je considère qu'à seize mois, c'est un exploit, je suis fier d'elle…

Mais il y a eu une tempête au large, plus à l'ouest dans le golfe de Thaïlande. Et aujourd'hui, malgré le calme plat, des rouleaux déferlent sur la plage. Pas question de laisser Nam rouler dans l'écume.

Alors je la prends dans les bras et j'avance dans la mer, la portant bien haut - comme le roi des Aulnes (celui de Tournier) quand il sauve Ephraïm. Entre deux vagues, je fléchis les jambes, et nous attendons que le rouleau soit tout près - je voudrais qu'elle voie comme c'est beau - et je me redresse au dernier moment. Quelquefois, en regardant sur le côté, on a la chance de voir le tube d'eau glauque qui s'effondre. Parfois c'est la douche, mais elle n'a jamais peur.

En revenant, elle me montre la balançoire - une simple planche attachée très haut à un palmier. Impossible : la place est occupée. Une blonde au cul un peu gras se balance en se prenant en photo. Elle est attirante de loin, décevante de plus près. Tout dans son style indique la russe - et pas la sympathique babouchka, plutôt la version radasse.

Son jules arrive, et la séance de photo se prolonge sur le ponton. Elle s'allonge et prend des poses évocatrices, c'est plutôt drôle. Je me demande si elle fait partie de ces filles qui se vendent pour un voyage : c'est une rubrique classique sur les sites de rencontre russes. Les femmes indiquent qu'elles cherchent un homme qui va les emmener en vacances à l'étranger. Les plus belles exigent les Seychelles ou d'autres destinations encore plus exotiques. Le statut financier de la femme est tel en Russie et en Ukraine qu'elles n'ont pas d'autre possibilité de voyager - et pourtant, elles en crèvent. Elles arborent sur leurs pages perso les destinations où elles ont pu faire bronzer leurs fesses, comme sur leurs carlingues, les aviateurs d'autrefois le nombre d'avions ennemis qu'ils ont descendus.

Tandis que le jules prend les photos qui vont servir à sa princesse pour se vendre lors de son prochain voyage, une dame d'âge mûr au regard intelligent et doux jette à Aude un regard aimable.

Comme la place est libre, nous occupons la balançoire. Nam s'endort à moitié sur moi - ou me fait un câlin, c'est souvent un peu des deux.


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Tu auras noté qu'il n'y a pas de photos sur ce post. Sans doute il y a des choses qui se disent seulement avec les mots.

dimanche 1 janvier 2017

Des bébés nourris au MacDo dès l'âge de deux mois ?


Quelque chose te choque dans cette photo tirée du carnet de santé officiel des bébés thaïs ? Non, je ne parle pas de la langue...


En Thaïlande, il existe un système d'accompagnement sanitaire gratuit des enfants de la naissance à douze ans ou peut-être plus.

Je n'y aurais jamais fait attention si…

Au dispensaire, on distribue aux mères un carnet de santé qui permet d'enregistrer les poids et taille de l'enfant au fil du temps, ainsi que ses vaccinations. Il fournit quelques informations sur la croissance normale des enfants et les soins qu'on doit leur donner.

Je n'y aurais jamais fait attention si…

Le livret cartonné, d'assez bel aspect, est offert par la société Mead Johnson Nutrition. Cette compagnie américaine, d'après Wikipédia, est une entreprise alimentaire spécialisée dans la nutrition pour nourrissons et enfants en bas âge. Elle compte 7700 employés dans le monde et elle est cotée en bourse.

Je n'y aurais jamais fait attention si…

Le livret compte (autant que je puisse deviner car il est rédigé en thaï) onze pages de publicité pour les produits Mead Johnson sur quarante-quatre. Il y a aussi le logo de la firme sur toutes les pages. Cela reste raisonnable.

Qu'une société américaine trouve un arrangement gagnant-gagnant avec un pays en voie de développement ne me pose aucun problème. Qu'elle fasse sa publicité auprès de personnes souvent très réceptives sinon vulnérables car très peu éduquées, pourquoi pas. D'ailleurs, ces personnes ne sont peut-être pas visées - on peut imaginer par exemple que les acheteurs du ministère thaï de la santé soient le cœur de cible de Mead Johnson.

Je suis certain que ce livret clair, simple, durable, rend un vrai service à la population. Bien sûr, je préfèrerais un autre système - par exemple un gouvernement mondial qui interviendrait sur des besoins primordiaux comme la santé sans interférence avec des puissances commerciales. Mais il ne faut pas rêver, on en est loin.

Je n'aurais donc jamais fait attention à ce livret s'il n'était exclusivement rempli de photos de bébés à la peau rose, aux yeux bleus et aux cheveux blonds, de bébés avec leur mère au teint clair, ou avec un médecin clairement occidental (et pas du genre qu'on trouve dans les banlieues de Chicago).

Si tu demandes à une mère thaïe ce qu'elle en pense, elle dira qu'il n'y a pas de problème : les mères thaïes aiment bien les bébés farang et l'aspect physique des farangs en général.

Moi, il y a quelque chose qui me gêne.

Le personnel du dispensaire est investi très positivement par la population. D'abord, ils font partie des "autorités" du gouvernement. Ensuite, ils sont gentils, puisqu'ils s'occupent gratuitement des enfants pauvres. Et ils détiennent la Science, la Connaissance. Tout ce qu'ils touchent est entouré d'une aura très favorable. Ils montrent du doigt ce qui est bien.

En l'occurrence des personnes de type caucasien. C'est l'image qu'on propose aux femmes thaïes qui cultivent le riz au fond de l'Isan. Le bébé idéal. Le monde idéal de ceux qui sont puissants, qui savent, le monde idéal des enfants en bonne santé.

Par cette hiérarchisation implicite des couleurs de peau, j'ai l'impression qu'on incite à une forme larvée de racisme. Racisme assez répandu chez les thaïs vis à vis des blacks par exemple, ou à l'intérieur de la population thaïe elle-même où la beauté idéale a toujours la peau claire.

J'ai l'impression d'un manque de respect pour la population thaïe - presque de politesse. Tu trouves que je suis trop tatillon ? Que je me monte le bourrichon ? Qu'il y a bien d'autres choses plus graves ? Dis-moi franchement. Si tu me dis que j'ai un raisonnement de bobo bien occidental, j'accepte.

Mais peut-être que pour Mead Johnson, un changement de maquette du livret représenterait une somme prohibitive, auquel cas mes états d'âme seraient nuls et non avenus ?


Puisque ça ne pose pas de problème aux thaïs, pourquoi être plus royaliste que le roi ? (décidément, il y a quelque chose avec la langue !...)