vendredi 23 février 2018

Odessa Week-End, avec des images de Stéphanie en exclusivité !



Stéphanie M. : acné sévère. Rétrocession des signes cutanés en trois semaines sous antibiothérapie ciblée et isotrétinoïne.



Lem Nga, île de Si Ray : cancer invasif du tourisme, stade III. Aucun espoir de guérison, les pustules resteront (sauf traitement corse). Sujet définitivement défiguré. Taux de remplissage lissé sur l'année : 15%.

Le cancer du tourisme est une maladie qui s'attrape au contact des touristes. Il est extrêmement contagieux et irréversible. Il attaque les tissus sains et finit par corrompre des régions entières qui ne reviendront plus jamais à la santé : ici, la restitutio ad integrum n'existe pas.

– Les touristes s'aperçoivent pas ?
– Non ! ils se font éberluer, ça suffit ! y a pas plus cons que les touristes ! ils partent tout jean-foutres, prétentieux… ils reviennent encore plus jean-foutres et plus prétentieux !… tout saouls des boniments d'Agences… (L.F. Celine, Entretiens avec le Professeur Y)


Plus les populations sont fragiles sur le plan économique, plus elles sont sensibles au cancer du tourisme.

J'en ai eu un exemple aujourd'hui. Phil-a-Phuket m'avait conseillé de visiter le village des "gitans de la mer", un petit groupe ethnique qui vivait exclusivement de la pêche, reclus dans une partie isolée de Si Rey, à Phuket. L'endroit est maintenant une base de départ de vedettes pour les îles. J'y suis allé aujourd'hui. L'atmosphère y est pesante. Les gens n'y sont pas souriant comme dans la Thaïlande "normale". Les visages sont fermés. On les comprend : les touristes viennent maintenant les voir comme des bêtes de zoo.

En même temps, les gitans de la mer développent une industrie touristique un peu pathétique, colliers de coquillages ou de mauvaises perles, street food de qualité médiocre qu'ils vendent plus cher que sur le continent, restaurant à paillotes qui n'a plus que sa réputation pour lui (et ses prix pour surprendre).

Le front de mer a été empierré, ce qui est bon en cas de grande marée et de mers fortes. Il est surmonté d'une promenade en béton où les gitans ne vont jamais - c'est pour les touristes.

"La belle écaillère" ne s'enivre plus de champagne comme en 1833 mais les boissons sucrées lui font bien plus de mal.

Pour l'instant, le village est pauvre, sale, mais il a sa cohérence, il n'est ni beau ni laid, il est le lieu de vie de gens qui gagnent misérablement leur vie en allant sur la mer. J'ai la certitude que dans cinq ans, les commerces pathétiques vont tout envahir. Et là, ce sera carrément moche.

Les touristes sont une réelle nuisance, une tumeur infectieuse. Autrefois, quand il n'y avait que du tourisme de luxe, on faisait pousser un Grand Hôtel à Cabourg et c'était terminé. Maintenant, tout est gangréné. Ce n'est pas démocratique, mais c'est comme ça. Le pire est que l'infestation se nourrit d'elle-même : au début, c'est petit jeu, très vite on construit plus grand pour attirer plus de monde, ce qui incite à construire encore, à créer de nouvelles infrastructures, etc.

Ne viens pas me dire : et toi, tu n'es pas un touriste, peut-être ? Non, je ne suis pas un touriste, je suis un étranger : combien de touristes parlent thaï ? Je ne viens pas stimuler la construction et conchier la côte parce que je veux y passer une semaine : j'habite ici.

Le plus triste est que le tourisme est une sorte d'illusion, un pur effet du marketing. Les gens s'amusent autant, sinon plus au parc Asterix. La route côtière à Menton est plus spectaculaire que celle de Phuket. Et le Larzac bien plus beau que l'Isan.

Ils veulent du dépaysement. Un contact fort avec une autre culture. Alors pose des questions élémentaires, demande-leur qui est l'ennemi héréditaire des thaïs, par qui le pays a-t-il été colonisé, d'où provient le bouddhisme et tu verras qu'en fait de culture... 

Mais il faut qu'ils partent loin. On leur sert de la merde, et comme ils ont des goûts de chiottes, ils la bouffent, essuient l'assiette à blanc et en redemandent. Ils acceptent de se laisser traiter comme du bétail dans les avions. Malgré cela, ils sont toujours partant pour recommencer. La vacuité de leur cerveau est terrifiante - mais il faut bien qu'ils la comblent par de l'agitation et des spectacles bidons.

Non, encore une fois : ne viens pas me dire que je suis parti visiter des pays. Je suis allé m'installer dans des pays pour des raisons précises. Et je suis généralement resté sur place, j'ai très peu visité, sinon poussé par des obligations d'installation. Phuket, par exemple, je n'y serais jamais allé s'il n'y avait pas eu l'école.

Autrefois, je rêvais d'un tourisme respectueux, avec des zones d'habitation agréables mais concentrées épargnant les beautés naturelles du pays, et des transports fréquents et quasiment gratuits pour y accéder.

C'était bête.

Et puis le tourisme a sans doute des points positifs :
- même s'il est limité et essentiellement dans la tête des touristes, il y a un brassage de populations qui rend plus tolérant et annonce l'avènement du global village.
- la dépense des touristes stimule l'économie du pays, de l'ordre de 15 à 20% du PIB pour la Thaïlande (péréquation selon diverses sources).

D'ailleurs, on peut dire exactement la même chose pour la prostitution, qui est sans doute une très bonne chose !


Alors je reste serein, sur terre...

...comme sous l'eau !









jeudi 22 février 2018

Les "feuilles-bateau"


Les musulmanes tranquilles - et pourtant, derrière, la mer est assez agitée.

En revenant de l'Est de l'île, là où sont installés les musulmans, nous déjeunons dans un petit restaurant au bord de la route. On y mange un petit curry de crabe… Fon explique :  tout comme baï lan veut dire feuille-palmier, "voile" se dit baï reua, c'est à dire feuille-bateau - . C'est joli, gréer une feuille-bateau…

Elle s'interrompt et tend l'oreille vers la télé : sur la 9, une info importante. Problème d'avion. Ah non, pas le crash de l'avion en Iran, aucun survivant - non, un truc grave survenu en Colombie. Je n'y comprends rien. Elle m'explique : ils ont été obligés de poser l'avion en urgence parce qu'un des passagers qui pétait comme un roussin avait totalement empuanti la carlingue. C'est la télé thaïe en prime time. Désolé, moi aussi ça me fait rigoler.

A propos de vents… ici, ils sont renforcés par des phénomènes de reliefs et des courants thermiques. Parfois plus forts que ce qu'indique la météo. Un avantage de Phuket : on peut y faire de la planche en sécurité, il suffit d'aller sur la côte est où les vents sont on-shore. Avec des marées de 6 heures (et non les bizarres et interminables marées qu'on trouve dans le golfe de Thaïlande).

Sur la carte une surface bleue - une retenue d'eau au milieu de petites montagnes, entourée de forêts qui l'abritent et la gardent fraîche. Une bonne odeur de pourriture végétale. Un kilomètre sur trois cent mètres - la plus belle des piscines. La Thaïlande est le paradis des nageurs, et personne ne le sait.

Et d'autres beaux endroits. Petites montagnes couvertes d'une végétation dense qui descendent dans la mer. Plages superbes qui seront quasiment désertes une fois passée la saison (si j'en crois l'excellent site Phil-a-Phuket !)
.
Pourquoi ne pas vivre ici... Mais voilà, l'école a demandé des engagements, ce que je déteste. J'ai proposé de payer - absolument tout - mais au fur et à mesure. Ils ont refusé. Nous voilà à nouveau libres de partir où nous voulons.

En effet, rien n'oblige Nam à entrer si vite dans le cursus : après tout, elle n'a que deux ans et demi. Nous ferons sans doute un essai à la rentrée dans mon école bretonne. Quelques mois de sursis pour moi…

Mais notre aventure avec Phuket n'est pas finie. Fon ne s'y déplait pas. Juste qu'elle aime les endroits que je déteste ! Normal, quand on y réfléchit : elle aime les endroits où il y a des farangs et j'aime les endroits où il y a des thaïs - en fait, on est pareil…

En regardant vers l'Isan par dessus les bananiers...



lundi 19 février 2018

On est toujours le beauf' de quelqu'un


Moi, je les ai dans le nez...

Il ne faudrait pas s'imaginer que ma phobie des farangs soit pur snobisme. La vulgarité et la bêtise des français à Phuket (et en Thaïlande en général) dépasse tout ce qu'on peut imaginer.

Pour s'en convaincre, on peut lire le courrier-des-internautes, sur rawai.fr, une association francophone d'expatriés. On se demande si le retraité EDF (auto-)qualifié de feignasse pense rendre service, ou pire, faire de l'humour, par exemple quand il évoque sa première pipe en répondant à une touriste qui porte le même prénom qu'une de ses ex.

Dommage, même sur les sujets où je pourrais être en phase, il est mauvais. Un touriste demande si on peut faire du jet-ski et il le prend de haut en lui disant d'aller se faire voir ailleurs. Il aurait pu dire qu'il était lui-même fervent amateur mais que la turbine aspirait des micro-méduses locales et recrachaient des litres de poison, ce qui avait provoqué la fermeture de plusieurs plages et envoyé une centaine de touristes à l'hôpital. Ou que malheureusement, l'usage du jet-ski, pour une obscure raison théologique, était proscrit par la religion bouddhiste tous les jours sauf le samedi après-midi. Tu m'excuses, c'est un premier jet (...ski - oh zut, ça déteint !)

Il faut dire que les questions qu'on lui pose ne sont pas très malignes.
- Peut-on voyager ici sans parler anglais ? (j'aurais répondu que cela ne posait absolument aucun problème à condition de parler le thaï)
- Quelles sont les démarches administratives pour se marier avec une thaïe ? (j'aurais félicité chaleureusement l'heureux élu et je lui aurais demandé s'il avait déjà consulté sa mairie de rattachement).

Je te rassure, les français qui viennent ici ne deviennent pas c... en sortant de l'avion, il n'y a pas de jus de méduse dans l'air.

Mais quand on regarde le prix des villas à louer au mois, on comprend que les types se prennent pour les rois du pétrole : 450 euros pour deux pièces avec une petite piscine, à quelques centaines de mètres de la mer dans le quartier occidental. Malgré l'augmentation des prix due au tourisme, la vie est très bon marché ici. Alors ils se croient les plus malins : la bêtise, c'est difficile à supporter, mais la bêtise suffisante, c'est gratiné.

Tu me diras que je ne les ai pas encore rencontrés. C'est vrai, je ne les ai pas rencontrés en groupe. Mais individuellement, j'en ai croisé plusieurs et je les ai écoutés. Et je suis allé à deux réunions d'un club de Pattaya - même style frontiste.

Et puis il y a ce qu'on trouve sur internet. Le club de jogging local, fondé par des anglais, s'appelle "A Drinking Club With A Running Problem car on aime autant courir ou marcher que de boire de la bière autour de bonnes blagues après la course".

Ça fait envie (surtout de boire autour de bonnes blagues : une bonne blague bien fraîche, pression si possible...) Consolation : il n'y a absolument aucune raison pour que les anglais, les allemands et les russes relèvent le niveau.

Quand on est en France, on évite facilement ce profil. Ici, on a l'impression de voir une grosse m... insolemment posée au milieu d'un plateau de nacre blanc. Car les thaïs, pour la plupart, restent identiques à eux-mêmes : polis, bienveillants, accueillants.

Heureusement, il y a d'autres farangs, malins et très sympathiques. Mais ce n'est pas si simple de les trouver - justement parce qu'ils sont moins grégaires et plus discrets.

Si tu veux, tu pourras trouver de la doc.


dimanche 18 février 2018

Phuket (5) : le verre à moitié vide


La plage de Nai Harn ou celle de St Jean de Mont ?

Fon m'a traîné vers des plages connues, tout au sud - il fallait bien les voir un jour. Le purgatoire pour y aller, l'enfer pour revenir : les voitures à touche-touche, les motos dans tous les sens qui débouchent au ras de la calandre. Quant aux endroits eux-mêmes : très beau quand on tourne le dos à la plage et qu'on se bouche les oreilles. Nai Harn, petit air de ressemblance avec la grande plage de l'ïle aux Moines (Morbihan, canicule du 7 août) - les mêmes anglais, les mêmes français, les mêmes allemands... avec la même toison noire qui leur couvre le dos et les épaules - j'avais oublié !
Tout ça pour ça ?

J'ai en tête de lointains souvenirs de Basse Terre en Guadeloupe, ruisselante de pluie en toutes saisons. Et sa végétation luxuriante dont le vert perce l’œil. Ici, la luxuriance est modérée... Alors que les zones industrielles assez sordides de Zabymes, à toucher Pointe-à-Pitre, ne sont séparées que de vingt kilomètres de paysages splendides : palmes et bananes, cascades et mornes ou errent quelques zébus et de leur gardienne, fillette maigrichonne moitié noire moitié zindienne. Mais ici ? Pour l'instant, je n'ai encore jamais vu un coin un peu sauvage - juste des friches industrielles.

Certes, j'ai trouvé une zone de mise à l'eau pour la planche, avec une belle orientation du vent, à cinq minutes du coin de l'île où se trouve l'hôtel, près d'un embarcadère. Je vais tester dans trois jours - la météo prévoit une jolie brise. 

Le problème, c'est que je ne peux pas savoir comment est cette île hors saison. Il y a sans doute moyen d'y vivre heureux en balisant ses trajets. Repérer des endroits calmes. Trouver des raccourcis.

Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

Nous sommes allés visiter l'école : elle est neuve et sympa, mais le prix qu'elle demande équivaut à deux billets d'avion AR par an pour toute la famille en haute saison. Ça fait réfléchir.

Pour l'instant, le verre est très à moitié vide... J'imagine un retour, des séjours de quelques mois à l'école maternelle près de mon domicile breton pour Nam. Le reste du temps, on verrait.

Mais rester libre aussi longtemps que possible.



vendredi 16 février 2018

La conquête de Phuket (4) : hier, il est arrivé quelque chose de si terrible que...


Oui, hier, il est arrivé quelque chose de terrible à Nam.

Nous sommes arrivé dans un hôtel bien trop beau pour le prix qu'on nous en demandait. Surtout la veille du nouvel an chinois, période où les hordes sympathiques de l'Empire Céleste remplissent toutes les locations touristiques de l'Asie du Sud-Est.

Évidemment, il y a un loup. L'hôtel vient d'ouvrir... trois chambres - les autres sont en phase de finition. A nous d'essuyer les plâtres. Prendre une douche à côté de la douche, en se gardant bien de se mouiller : on risque le homard du troisième degré ! Faire sortir la famille d'escargot installée dans le relai du wifi...

Je m'étonne toujours des résistances de Fon dès qu'il s'agit de demander un service - en l’occurrence, trouver une solution à la lenteur du wifi. Elle pense que je râle (moi, râler ! Tu me connais...) et c'est très impoli en Thaïlande. Sa politique : plutôt crever de froid plutôt que demander comment on arrête la clim, coincée à -10° en dessous de zéro...

Bref, nous ouvrons la porte de la chambre pour aller voir la gérante, et Nam en a profite pour se faufiler vers le couloir qui surplombe la cour de l'hôtel.

La rambarde est en béton, percée de trous parfaitement calibrés pour permettre à un enfant de trois ans de passer à travers. Et surtout, d'avoir envie de passer à travers - trop rigolo !

Pendant que nous discutons Fon et moi, nous entendons un grand cri. Nam a disparu. Je me précipite vers la balustrade. Elle est tombée.

Trois mètres en contrebas, une pelouse dont on a apporté la terre il y a quelques semaines, un sol gorgé d'eau par les arrosages répétés. C'est à peine si Nam a quelques griffures aux genoux et aux bras. Mais quelle trouille ! Il lui faudra plusieurs heures pour se remettre. Et nous aussi. Énorme culpabilité et sommeil de merde.

Une chance qu'on nous ait fait descendre d'un étage pour mieux capter le wifi... Une chance que la pelouse ait été récemment posée et arrosée. J'imagine... avec du béton...

La gérante de l'hôtel qui était dans les parages ne semble pas concernée par le danger que représente les balustrades. Il n'y a donc pas d'enfants en Thaïlande ? Elle ne se départit pas de sa jovialité bavarde. Il ne faudrait pas en conclure qu'elle protège ses arrières en cas de contentieux : l'idée ne lui vient pas que l'hôtel pourrait être fautif.

Ni penser qu'elle manque de cœur. Elle passera le soir toquer à la chambre pour voir si tout se passe bien, et je suis certain qu'elle aurait été désolée si Nam avait été blessée.

Non, nous sommes tout simplement en Thaïlande. Après tout, Fon n'a fait aucun reproche à la gérante : le destin, qu'est-ce qu'on y peut ? En l’occurrence, ne devrait-on pas le remercier...?

"Grand comme ça, le trou. Exactement la taille d'un enfant..."

jeudi 15 février 2018

Dans la gueule du tigre



Phuket apparaît enfin sur les panneaux routiers. Les deux cent derniers kilomètres sont terribles. Plus de quatre voies, plus de lignes droites. Traversée de ces ignobles villages qui se répètent tous les cinq kilomètres et dont la seule fonction semble de vendre des pneus et des nouilles (ne cherche pas, il n'y a pas de contrepèterie).

Seule consolation, les rochers aux parois verticales qui barrent l'horizon et le ciel - cheminées de lave pétrifiée, dressées comme des pains de sucre, souvenir de volcans effacés par l'érosion. Au milieu de la mer, ces canines impressionnantes sont sur toutes les photos destination Thaïlande dans les agences de voyages - cernées par une mer bleu clair saturée photoshop. Ça en jette !

Nous passons enfin le pont qui relie Phuket au continent : un joli bras d'eau de mer, quelques bateaux qui dansent, une plage blanche déserte, léchée par des vagues lisses.

Puis c'est l'enfer. Des voitures à touche-touche sur trente kilomètres, des autocars qui pètent une fumée noire, qui se dépassent dans tous les sens. Les signes ostentatoires de tourisme, panneaux de résidences idylliques qui n'existent pas encore (pas sûr qu'elles existent un jour, au grand dam des souscripteurs naïfs), noms de plages connues du monde entier, Parc du Green et Restaurant du Golf avec ses étoiles...

Et la banlieue thaïe qui s'étire au bord de la route, bien craspèque. Plus urbanisé, tu meurs.

Avec l'impression affreuse d'entrer dans une nasse. Un flux ininterrompu dans un goulot étroit bordé de bâtiments minables. Un piège qui se referme. Claustrophobie...

Deux jours, trois jours tout au plus. Et je vais rentrer. Tout faux. Ici, c'est trop horrible. Il faut se résigner. Revenir en France. J'aurai tout tenté.

Pourtant, le mage de Chumphon ne se trompe jamais. Un souvenir me revient. L'été à la Baule, quand la France toute entière faisait de la planche, un mur de voiles bouchait l'horizon. L'impression que la baie était couverte de planches. On montait sur la sienne et on tirait à trois cent mètres du bord. Et là, plus personne. Derrière, le rideau de planchistes plus ou moins débutants qui se rentraient dedans dans la bande des deux cent mètres, tout près de la plage. Et après, la mer vide - la mer à toi tout seul.

Et si Phuket, c'était pareil ?

Restons zen...

(...et si possible doré à l'or fin)



mercredi 14 février 2018

Chez le mage de Chumphon...



 Resterons-nous en Thaïlande encore quelques mois, un an, deux ans…?

Équation du second degré qui serait résolue par la découverte de ses racines :
- une école française agréable pour Nam
- une bonne qualité de vie pour Fon et moi.

Pour le premier point, le choix est restreint.
- Pattaya et sa mer sale, son vent dangereusement off-shore, ses fonds marins médiocres, sa ville hideuse, ses russes mal élevés et ses enfants de putes : non merci ;
- Bangkok : je me suis évadé de Paris - autant éviter les sympathiques vingt millions d'habitants de cette ville ;
- Koh Samui : on y marine dans un confinement touristique et des ambiances insulaires qui ne me disent rien qui vaille : c'est là où se déroulent tous les meurtres sordides entre français...
- Phuket et ses deux écoles : la dernière chance, le mystère qu'il faut lever !

Pour la qualité de vie, il faut trouver un endroit à l'abri des flux touristiques ou de l'aigreur des retraités venus au soleil valoriser leur petite pension par la parité de l'euro. M'excuseras-tu si je n'ai pas envie de voisiner avec un vieux frontiste ?

C'est à travers son beau site (très fréquenté et référencé ici, juste à droite) que j'ai rencontré Phil, le mage de Phuket. Il habite maintenant Chumphon après avoir vécu plusieurs années dans l'île. Sa connaissance des subtilités du pays est légendaire, et nous partons consulter l'oracle.

Nous descendons vers la belle province de Chumphon et nous le rencontrons dans sa maison de bois. L'oracle tombe : il faut rechercher dans la zone musulmane de l'île si je veux être à l'abri des flux de touristes. Ou peut-être chez les gitans de la mer, dans la presqu'île de Ko Sire, à une demie heure de l'école.

Le joli homestay où habite le mage de Chumphon : tu peux aussi y passer quelques nuits, la région est belle.

Pour l'instant, les hôtels sont remplis à 95%. Nouvel an chinois, vacances scolaires : le pire moment touristique. Autant se faire une idée dès à présent. Nous retenons trois nuits du côté des gitans de la mer.

Et comme l'insomnie me mine, je fais défiler les raisons de rester en Thaïlande. Éloge d'un pays amoché par le tourisme de masse, à la culture sinon indigente du moins incompréhensible... et qui ne m'intéresse pas. Comme sa cuisine : j'aime le bordeaux avec un clacos qui pue, l'épaule d'agneau aux flageolets et j'en ai la nostalgie. Trop borné pour imaginer pouvoir trouver mieux.

Quant aux températures tropicales, elles sont bien trop élevées pour mon goût : tant qu'à rester claquemuré avec une régulation thermique, autant vivre en Russie ou en Ukraine - dont les saisons intermédiaires sont magnifiques.

Mais la vie en Thaïlande est facile. On laisse son casque sur sa moto et personne ne vous le pique. On roule sur la quatre voies sans se préoccuper des flics - juste éviter de mourir sur la route. On échange des sourires avec les gens sans être obligé de supporter leur vulgarité - on ne comprend rien à ce qu'ils disent. On ne craint jamais pour sa sécurité - et rarement pour celle de ses biens.

Comme le pays est pauvre, le marketing n'est pas bien agressif. Et comme on est à l'étranger, on ne ressent pas la déplaisante connivence de la publicité française. Pas de déclarations politiques fracassantes à la radio, pas de sottises répétées en écho par les journalistes. Des administrations peut-être corrompue et d'une logique contestable, mais en général aimables sinon arrangeantes.

Quelques soient leurs raisons, bonnes ou mauvaises, les thaïs sont gentils avec les farangs (sauf dans les zones touristiques). Il n'y a pas de stress - il y en a d'autant moins qu'on se sent loin de l'insupportable sottise ou médiocrité des administrations françaises (à l'exception de celle des impôts). Loin des plateaux téléphoniques, des escroqueries minables dont on est victime quand on souscrit un abonnement internet, quand on ouvre un compte en banque ou qu'on le ferme, et des petites lignes des assurances.

Bref, la Thaïlande ne vaut pas tant pour ce qu'elle est que pour ce qu'elle n'est pas. La Thaïlande me fout la paix. Et c'est pour ça que je l'aime.

Et puis honnêtement, il y a plus moche.



mardi 13 février 2018

Non, je ne retournerai pas en France ?


Si en plus elle se fait baratiner par les petits gars du coin...!

Nam apprend à parler, et naturellement, elle parle inifiniment mieux le thaï que le français : à la maison, je suis le seul à lui parler français, et j'échange en thaï avec Fon. Angoissant, l'idée de ne pas pouvoir communiquer librement avec ma fille.

Au-delà de la langue, il y a la culture. L'héritage français me semble plus riche que l'héritage thaï. Il lui ouvrira plus de portes. Fon en convient.

Nous décidons de quitter la Thaïlande, de rentrer en Bretagne où ma maison au bord de la mer nous attend - comme la charmante école Saint Gildas du village voisin.

Fon a obtenu son visa d'un an sans difficulté. Une date... Il est grand temps de prendre le billet d'avion.

Mais là : un énorme blocage. Impossible d'acheter ce p… de billet.

Les incertitudes de la date de retour ? Le prix un peu impressionnant (car là, il faut acheter trois billets full) ? La question de ramener ou non la planche à voile qui oblige à passer - sans certitude - par la Lufthansa ?

Prétextes.

C'est tout bête. Je n'arrive pas à me dé-scotcher. A quitter la Thaïlande.

Demain, je dirai pourquoi "on" va en Thaïlande… et surtout pourquoi je ne veux pas la quitter. Alors que ce pays n'est certainement pas plus beau que la France, que l'architecture y est catastrophique, que la nourriture n'est pas très raffinée - bien trop épicée, qu'il y fait trop chaud... j'en passe.

Je raconterai aussi quelle est la dernière chance... Car il y a une dernière chance.

Pour l'instant, je ne sais pas. Dans quinze jours, j'aurai épuisé tous les recours pour rester.

Je pars pour Phuket demain. Mille cent kilomètres vers le sud et la mer.

Je te tiens au courant, promis !


lundi 5 février 2018

Jeanne d'Arc en Thaïlande !


Au premier rang, des femmes qu'on reconnaît à la coupe de l'époque : en brosse courte, rasé sur le côté

C'est vraiment par hasard que je suis tombé sur un monument à la gloire de la Jeanne d'Arc thaïe : en pleine campagne et au milieu de nulle part.

Une Jeanne d'Arc qui n'est pas pucelle : c'est la femme du gouverneur local (début du dix-neuvième siècle). Femme héroïque qui aurait joué un rôle de premier plan dans la libération de la ville de Korat, envahie par l'ennemi birman et son vassal Laos.

On dit que les femmes déportées se serait vue confier la tâche de préparer le repas des soldats. Ya Mo - la grand-mère Mo - aurait exigé des couteaux pour la cuisine et aurait ainsi armé les prisonniers thaïs. Pendant la nuit, grand carnage, et l'armée laos, surprise, aurait pris la fuite avant d'être rattrapée par l'armée thaïe et mise en pièce.

Depuis, la grand-mère Mo fait l'objet d'un culte très actif, elle a son jour de célébration dans la ville, durant lequel la population lui colle respectueusement des petites feuilles d'or sur la figure et sur le corps - je veux dire sur la statue qui trône au centre de la ville, bien sûr ! Dévotion qu'on a de la peine à comprendre en occident tant elle est connotée de religiosité.


Les monuments qui commémorent la bataille contre l'armée laos se trouvent à quarante kilomètres de la ville, près de la route de Kon Khaen. Statues naïves, hautes en couleurs, qu'on habille toute l'année de vêtements chatoyants. Réalisme plein de vie et charmant. A part quelques détails...

Dire que le peuple thaï est un peuple guerrier est une idiotie. Les peuples se battent au hasard de l'histoire, et une troupe de ruffians qui guerroie et pille sous la direction d'un chef rusé et courageux ne résume pas la mentalité d'un peuple. La majorité des habitants de la terre, jusqu'au siècle dernier, était composée de paysans vivants en villages dont les batailles étaient motivées par le souci de protéger des intérêts agricoles contre des voisins, rien de plus.

Avec le temps, les peuples sont devenus de moins en moins guerriers, et les grandes boucheries du vingtième siècle sont des exceptions au courant qui diminue inexorablement le nombre de morts violentes sur la surface du globe depuis des siècles - les statistiques le démontrent sans ambigüité.

Début du 19° siècle : pas de mousquet, juste des lances et les sabres dont on se sert pour couper la canne.

Observation qui est d'actualité : en France, le nombre de morts violentes a diminué drastiquement au cours de ces cinquante dernières années. La mentalité thaïe offre le spectacle de ce qu'était la mentalité française il y a un demi-siècle.

On y adore la boxe thaïe comme les français adoraient la boxe anglaise et le catch dans les années 50. On se régale des combats de coqs comme autrefois en France : combats de coqs mais aussi de chiens - quant à la corrida, je ne veux pas ouvrir un débat.

Désolation guerrière chez les guerriers ennemis : l'un a le bras coupé (avec la main qui tient encore le sabre), l'autre a le thorax fendu de la clavicule à l'appendice xiphoïde du sternum - cœur tranché, mais il trouve encore l'énergie de se plaindre !

On vend des armes sur les marchés, sans restriction. On est prêt à tuer une personne qui vous a fait "noi na", le visage bas - c'est-à-dire la honte.

La violence est aussi patente dans les relations hommes-femmes vue à travers les soaps locaux : il n'est pas rare qu'une héroïne soit bousculée par son amant.

Mais les sensibilités changent. Et les statues des guerriers de grand-mère Mo nous semblent limite du mauvais goût. Laissons les thaïs évoluer à leur rythme…

Coup de sabre soigneusement appliqué sur la commissure lambdoïde : il en résulte une transsection du corps calleux et donc de menus inconvénients neurologiques (et accessoirement la mort par double section du polygone de Willis) : aïe !