jeudi 8 octobre 2015

Le coins des bricoleurs : construction d'une petite maison en Isan



Dans l'article précédent, j'expliquais mes réserves concernant les obligations des farangs qui ont une relation suivie avec une thaïe. Ces réserves étant posées, je persiste dans l'intention de construire une petite maison.



Le terrain sur lequel je vais construire appartient en propre à la mère de Fon, qui donne son accord sans réserve. Elle y a tout intérêt, car il y aura deux maisons sur son terrain, la vieille ferme qui reviendra au frère, et la nouvelle maison qui reviendra à Fon. Pour moi, cela m'évite les complications de la recherche et de l'achat d'un terrain, que je n'aurais pu mettre à mon nom étant donné la législation thaïe. Quoi qu'il arrive, je ne risque pas de perdre mon investissement, qui reviendra forcément à notre fille.

Nous sommes à trente-cinq kilomètres de Korat, et le centre ville est à une demie heure de moto, par une route agréable. L'endroit n'est pas vilain, il est au-delà de l'ignoble sub-urbain. Le terrain lui-même est à quelque distance des autres constructions - les gens ne construisent pas en limite de propriété. Nous nous retrouverons un peu plus éloignés des sources de bruit de la rue, haut-parleur de la mairie et musique du marché. Et si la construction est bien faite, bien isolés dans tous les sens du terme, sans pour autant être vulnérables aux prédateurs, la famille pouvant jeter un œil sur le patrimoine pendant nos absences prolongées.

En fait, le terrain se trouve sur l'arrière de la ferme des parents de Fon, à vingt ou vingt-cinq mètres. Il en est séparé par des arbres et des petits bosquets. La nouvelle maison sera au milieu d'une belle clairière, tournant le dos à un énorme et magnifique buisson de bambou qu'elle verra par ses fenêtres arrières (les chambres à coucher). A l'opposé, côté ferme, les fenêtres sud s'ouvriront sur ces bosquets assez sympathiques - et c'est là que je compte m'installer pour travailler.

La vue côté ouest (c'est-à-dire du côté des mauvais voisins) sera plus ou moins condamné par des extensions assez étroites, l'une pour la salle d'eau, l'autre pour les rangements. La moitié du côté est sera doublée par un petit bâtiment qui servira de cuisine. La hauteur sous barrots y sera naturellement moindre du fait de la déclivité du toit ; Fon n'est pas très grande, je pense qu'elle sera à l'aise ; mais pour moi, c'est vraiment dommage, je ne pourrai pas y passer beaucoup de temps... Enfin, un garage sera construit ultérieurement, un peu à distance de la maison, pour masquer encore plus la vue côté voisins.

Par chance, le terrain est accessible autrement qu'en traversant la ferme - par un chemin qui se termine en cul de sac et qu'il est donc possible de fermer. Ce chemin est carrossable pour une moto. Pour une voiture, c'est un peu plus compliqué : c'est un chemin de terre, et le 4x4 s'imposera peut-être. Grâce à cet accès privatif, je pourrai vivre comme un ours si je le souhaite, ou inviter un couple d'amis en faisant dormir Nam dans la salle de séjour.

La maison que je compte construire fera sept mètres sur sept, plus des petites extensions. J'aurais préféré plus grand, mais il semble y avoir une norme (ou deux pour être exact), soit trois mètres soit trois mètre cinquante. Les dimensions des maisons sont obligatoirement multiples de ces normes. Il s'agit en fait de la distance qui sépare deux poteaux.

Que sont ces poteaux ? Pour construire une maison, un maçon thaï va planter des pylônes en ciment qu'il aura acheté pré-dimensionnés au magasin du coin. Ces pylônes seront enfoncés dans des bases en ciment qu'on coule dans le sol, après avoir fait un assez gros trou et l'avoir bien ferraillé. Leur verticalité est l'objet de mesures très précises. Ces poteaux sont l'armature de la maison. Je suis incapable de dire à quelle profondeur il faut les enfouir dans le sol, mais l'artisan saura et décidera en fonction du fait que la maison n'aura qu'un seul étage.

Une fois ces poteaux coulés, on va sacrifier à la hantise de l'inondation. Il paraît qu'il n'y en a jamais dans la région. Mais quand même : on dit aussi qu'il y en aura dans le futur. Alors on surélève le plancher de la maison d'un mètre, voire plus. Je me bornerai à quatre-vingt centimètres - dur de grimper pour le serpent venimeux qui voudrait faire un somme dans une de mes bottes.

Si le constructeur est patient et économe, il fait une butée de terre de la hauteur idoine, et il attend un an qu'elle se tasse. Ensuite, il peut construire dessus. S'il est pressé et plus riche, il fait un chainage de parpaings autour de la maison, et il le remplit de sable. Il peut aussi construire un appareil au dessus du sol qui lui permettra de suspendre des plaques de béton armé (qui ne coûtent pas très cher) en guise de plancher. Une fois retiré l'appareil, tout tient. On peut alors poser le carrelage. C'est cette solution que j'ai vue à l'œuvre, qui semble fiable et que je vais donc retenir. Elle a en outre l'avantage de laisser le passage d'air sous la maison, ce qui contribuera à la rendre plus fraîche.



Ici, les murs sont faits en bois ou en parpaings. Sur les conseils de Rye l'australien, je vais utiliser du Siporex, qui aura des vertus d'isolation phonique et thermique. Je vais utiliser du 7, car l'endroit est très boisé et abrité, et une épaisseur supérieure serait inutile. Evidemment, il faudra aussi choisir des fenêtres isolantes. Un plafond fait de dalles de 50x50 séparera le toit en tôle des pièces à vivre, et je ferai poser de la laine de verre par-dessus, bien jointive. Dessous, je poserai des gros ventilateurs, style Casablanca. Je n'ai pas l'intention de mettre la climatisation et Mai n'y tient pas du tout.




Du fait de l'utilisation de tôles, il n'y a pas beaucoup de contrainte pour la pente du toit. Je pense faire un bi-pentes à trente degrés. Une solution élégante consiste à demander un toit déjà plié, si on trouve une longueur suffisante pour couvrir plus d'un demi toit, de manière à éviter les fuites au faîtage. Le toit devra déborder très largement, ce qui se fait presque toujours ici pour qu'on puisse se déplacer autour de la maison sans être mouillé. Un bon mètre de débord, et sauf tempête, la pluie ne mouille pas les fenêtres.

Se posent des problèmes d'électricité, car il faudrait passer au dessus de la maison actuelle pour faire venir un fil. Mais on peut peut-être passer en aval, en longeant la ferme des cousins - nous avons prévu de nous renseigner. Quant au réseau interne, pas de coquetterie : les câbles passeront sur les murs dans des gaines parfaitement visibles.

Pour l'eau, en revanche, aucun problème. Et pour les évacuations, une fosse septique pour les WC, et des tuyaux de PVC qui emportent les autres eaux usées à distance. Il paraît qu'il y a une certaine négligence à ce sujet. Résultat, si l'eau se déverse et stagne sous la maison, celle-ci peut prendre un bon coup de gite au bout de quelques années, du côté où se trouve la flaque.

Le choix de l'entrepreneur est crucial. Rye me donne le numéro de téléphone d'un thaï en qui il a assez confiance. Mais sur le plan financier, je suis dans le noir complet. Rye me dit qu'il faut aller chez "Global", un magasin de matériaux qui se trouve à l'entrée de la ville. Les prix y sont normaux - et quelle que soit la quantité qu'on commande, il est inutile de demander une remise.

Il faudrait donc que je compte les onze poteaux, les parpaings en Siporex, la colle, les plaques de ciment du plancher, le carrelage (un blanc uni un peu mat, en 40x40 pour changer des motifs assez mièvres que je vois partout ailleurs) et la faïence, les tuyaux en pvc, les waters et la douche, l'évier, les tôles, les carrés du double plafond, la laine de verre isolante, les portes et les fenêtres, la peinture, le bois de charpente, le fil et le petit matériel électrique, et qu'oubliai-je encore… oui, évidemment, combien me demandera l'entrepreneur, dont je ne sais pas s'il prend à la journée où à la tâche.

Il me reste donc beaucoup à apprendre et à faire. Vos conseils seront les bienvenus.



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