vendredi 6 mai 2016

La phyto et le voyage en Administratie


Un coin de Normandie près de Cherbourg. Trouve d'aussi jolies vieilles pierres en Thaïlande...

J'ai retrouvé ce cher vieux pays pour y accomplir quelques démarches administratives.

Quels paysages ! Quelle magnifique végétation ! Quelle charmante architecture dans les villes ! Quelle température vivifiante !
Quelle propreté dans les rues ! 
 
Telles sont les réflexions que je me fais, tandis que j'actionne avec énergie mes essuie-glaces chaque fois que je dépasse quelqu'un ou que je tourne - j'ai gardé les réflexes de la conduite à gauche.

Ah oui, à propos de conduite, il faut que je renouvelle mon permis international (afin de pouvoir conduire en Indonésie et au Laos). Je vois sur un site très sérieux que certaines mairies se chargent des démarches. Cela m'arrangerait bien, car je suis loin de la préfecture. Je téléphone à la maison-mère. Une dame outrée, indignée me répond : "A la mairie, mais comment est-ce possible ! (et là, la voix devient suraiguë) Vous n'y pensez pas !... Tous à la préfecture !..."

Dans l'administration, le dernier qui parle a toujours raison. C'est plutôt farce. Il y a plus rude. Il faut que je fasse certaines démarches auprès de la sécu. Un téléphone payant à la minute : on m'assure qu'on me rappellera lundi ou mardi afin d'éviter que je fasse les cinquante kilomètres qui me séparent de la caisse pour rien. Délicate attention sur laquelle insiste mon interlocutrice. Bien sûr, ils auraient pu traiter l'affaire tout de suite. Mais pourquoi être efficace quand on travaille à la sécu ? Je te rassure tout de suite, ni le lundi, ni le mardi, ni même le mercredi je n'ai eu de rappel. Et le vendredi, j'ai fait les cent kilomètres pour rien.
- Tu veux dire qu'ils t'ont quand même appelés le jeudi ?

- Non. Le jeudi était férié...

Rien à voir avec les impôts, que j'apprécie, paradoxalement. Je dois leur reconnaître une disponibilité, une ouverture, une compétence légale et informatique qu'on ne trouve pas dans les autres administrations. On aura beau dire, la sélection par les maths, il y a du bon. Mais quand même… Les excellents et très sympathiques impôts de R, où j'habitais avant de retrouver mon Morbihan d'origine, ont voulu la jouer subtile. Comme j'avais fait ré-expédier mon courrier dans le Perche, chez une amie, pendant mes absences, ils en ont conclu que j'habitais là-bas. Les gros malins ! Très vite, mon amie a été inondée de courriers. Je devrais maintenant payer les impôts locaux de son domicile. Elle aussi, par parenthèse !

Je leur ai fait observer leur erreur. Ils m'ont juré (et écrit) la main sur le cœur, qu'ils avaient tout corrigé. La semaine d'après - allo, le Perche ?... On continue d'être arrosé - mais une fois sur deux seulement, je ne reçois que les demandes avec pénalités. Les autres, je ne sais pas dans quelles limbes administrativo-postales elles disparaissent.

A vrai dire, ce n'était pas la première fois qu'ils me tracassaient pour ce déménagement fictif que j'avais déjà vu inscrit en première page de ma feuille d'impôts. J'avais alors protesté que je n'avais jamais déménagé, mais ils ont répondu textuellement qu'il ne s'agissait que d'une "commodité". Commodité pour qui ? Certainement pas pour mon amie, très malade, et distraite par d'autres préoccupations. Certainement pas pour moi, car un an et demi après, on continue d'envoyer des documents dans le Perche, et maintenant, on me menace de saisie. Saisie où ? Chez mon amie ? Ce serait le comble. Malgré tout, je les aime bien, les impôts, ils répondent vite et sont habituellement assez efficace. Un ami psychiatre me dit que j'ai un syndrome de Stockholm…

En faisant la route pour la sécu, j'écoute la radio. Inimitable émission de Julien Courbet. Tu sais, il prend la défense de personnes qui se disent victimes d'un préjudice sinon d'une arnaque : voiture qui tombe en panne quatre mois après l'achat, avec facture astronomique, sèche-linge qui menace d'exploser mais que la maison-mère ne répare pas, etc. Tu connais trop bien. Curieux comme cette émission réchauffe le cœur.
Elle caresse dans le bon sens ce circuit de l'équité, qui se situe au dessus de l'orbite, dans le lobe préfrontal du cerveau. Raison pour laquelle elle serait la plus écoutée de toutes les émissions de radio.
 
En Thaïlande, il y a une forme sommaire mais formalisée d'équité. Tu as certainement remarqué, quand tu achètes quelque chose, on te tend ce que tu achètes, et ils ne le lâchent pas tant qu'ils n'ont pas l'argent en main. Possession vaut titre ! Il y a comme un contrat qui s'écrit quand les deux mains de chaque côté donnent et prennent. Et ce contrat dit : "maintenant, dém…-toi !" Tu sais que tu es désormais tout seul. Ils t'ont vendu une pastèque (ou une voiture) pourrie jusqu'au trognon, et dès qu'ils ont l'argent en main, ils considèrent que c'est trop tard pour toi...

Julien Courbet - notre Julien des Bois - défend les pauvres consommateurs contre les sociétés abusives, les marchands escrocs. Quelle revanche pour nous, qui nous sentons si impuissants. Mais quelle triste leçon sur notre société, où seule, une armada d'avocats, d'huissiers et de célébrités médiatiques peuvent obtenir justice en trois coups de téléphone.

Au passage, Julien envoie un coup de patte au garagistes et aux plombiers, deux professions chez lesquelles il semble régner une totale méconnaissance de la Loi… Le suspens est total. La pauvre petite dame va-t-elle récupérer ses arrhes ?...

Mais je me lasse et je zappe. Sur France-Cul(ture), une distrayante émission sur les vidéos amusantes de chats sur le web, dont on parle très savamment. Alerte ! Je viens de voir un Gamm Vert où j'espère pouvoir trouver du désherbant. Je freine en catastrophe et je réussis à prendre la bretelle.

Zut, deux heures moins le quart, ils n'ouvrent qu'à deux heures. J'ai une pensée émue pour les employés de Thaïlande, occupés à regarder la télé pour les garçons, à s'épiler les sourcils pour les filles - de sept heures du matin à onze heures du soir… mais toujours disponibles quand je pousse la porte. De l'autre côté de la vitre, les vendeurs de Gamm Vert ont l'air de s'ennuyer comme des rats morts - au moins autant que nous. Enfin, la porte s'ouvre. - ils ont attendu l'heure pile avant d'appuyer sur le bouton. Et dire qu'on se plaint de l'absence de ponctualité des thaïs...

Je m'adresse à un vendeur pour avoir un conseil. Une vendeuse s'interpose : "Surtout, ne répond pas…" Elle insiste : "même si tu sais, ne dit rien !"
Je la regarde, assez surpris.
"C'est Duchenoque qui va vous répondre…"

Duchenoque lâche enfin son portable qu'il cramponnait comme un savon dans des douches interlopes, et m'aide efficacement. Mais je reste intrigué par le comportement de la vendeuse, et en partant, je pose la question. Elle me répond très gentiment :
"Le problème, c'est qu'il n'est pas diplomé phyto, il ne devait pas répondre. Il n'y en a que deux qui sont diplomés phyto dans le magasin, le chef et Duchenoque. Si par hasard la maison-mère apprenait, par une enquête à notre insu qu'un non diplomé avait répondu, nous perdrions notre licence !"

T'es diplomé phyto, toi ? Non ? Alors marche à l'ombre…

Heureusement, il reste la bouffe. Une cure de fayots, de lentilles, de bordeaux, de pain, de comté 12-18 mois,
de munster et autres fromages qui puent, et de poisson qui ne pue pas. On a beau dire, ça requinque. Je perds généralement trois kilos en cinq mois en Thaïlande. J'en regagne trois durant le mois que je passe en France. Douce mère nourricière… Dommage, maintenant, quand il n'y a pas de piment dans le cassoulet, ça manque…


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