lundi 22 mai 2017

Café, maroille et huile de moteur (la France vue par un farang II)




Un morceau de baguette fraîche tartiné de maroilles et trempé dans le café au lait du matin. Mais oui, autrefois, un ami m'a initié aux plaisirs du nord !

Un bon jogging sur la plage à marée basse. La mer au loin et les îles. Puis la terre remonte, c'est un champ dont les herbes mouillent sournoisement mes Asics. Dans les écouteurs, Aurélien Barreau fait une conférence sur l'entropie des trous noirs. Je ne sais plus quoi faire - je décroche de l'horizon du trou noir, happé par celui du ciel - ils sont tout aussi profonds. Mais quand je reviens aux trous noirs, je n'y comprends plus rien !

Plus tard, je téléphone à un gus dans un magasin qui vend des chambres à air aux professionnels. Je veux acheter une de ces grosses bouées noires avec lesquelles on peut jouer dans les vagues. Pour ma fille bien sûr… Le type est sympa. Il me demande le nom complet qui figure sur la carte de crédit. Et quand il le sait, il m'appelle par mon prénom. Pas une fois, par accident, mais plusieurs fois. Cool.

Ça me rappelle une histoire quand je vivais à Paris. Je circulais exclusivement à moto, et un jour, j'ai dû plonger mes mains dans le cambouis. Je ne suis pas doué, mais j'aime bien bricoler. Et ça fait très longtemps que je me suis acheté un bleu de garagiste. Tout remonté, impeccable, la bécane tourne nickel. J'ai juste le temps d'aller chez le coupe-tif de ma rue - la rue Etienne Marcel dans le deuxième - avant d'aller dîner chez une amie. Le coiffeur avise mon bleu et me tutoie. Je regarde le prince Albert dans Voici en attendant, avant qu'il ne me fasse signe de m'asseoir sur le grand fauteuil qui tourne. Qui, "il" ? Mais le prince Albert en personne, bien sûr ! Il est gentil, mais un peu condescendant. Il parle à d'autres et ne me prête pas attention - comme s'il daignait me couper les cheveux. Pourtant, je suis très content d'être là : atmosphère d'un salon de coiffure parisien à cinq heures du soir, un samedi, totale excitation. Les plaisanteries fusent. Et puis comme il veut être poli, le figaro finit par me demander dans quel garage je travaille.
- Je travaille à l'hôpital
- Ah oui, tu entretiens le parc de l'hosto…
- Euh non, je suis médecin...
Le coiffeur se recroqueville littéralement. Comment faire pour qu'il se sente mieux ? Mais c'est trop tard… Il m'expédie… et maintenant, il me vouvoie!

Avant-hier, nous sommes allés dans un restaurant thaï. Je voudrais que Fon se lie un peu. La fille a une drôle de touche, avec sa casquette à l'envers, ses cheveux courts et son "long nez" de farang. Elle m'explique que son père est français et sa mère thaïe. Et qu'elle a passé son enfance en Thaïlande. Elle regarde Nam, qui a la peau mate :
- C'est bien pour la France, elle est bronzée. Alors que c'est le contraire en Thaïlande, ils aiment bien les peaux blanches.

Tant mieux pour Nam, si c'est vrai. En quittant le restaurant, Fon me dit que notre hôtesse est tom, elle est lesbienne. Une lesbienne moitié thaïe dans un village français, cela ne doit pas être simple tous les jours. Mais elle a l'air relax, et semble connaître beaucoup de gens du coin.

Le problèmes administratifs finissent par se régler. Parfois, il faut laisser tomber… J'étais libre cet après-midi, j'ai gréé une voile à sec et vérifié mes pieds de mats. Demain, promis, je sors en planche.

La vie n'est pas désagréable en France. Pendant ce temps, en Angleterre, un fou tue des enfants.



vendredi 12 mai 2017

Suspension temporaire de l'activité, la maison est en travaux


La Baule : ici, la mousson dure toute l'année (mais on dit que la pluie ne tombe que sur les cons)


Après un an en continu en Thaïlande, sans même une petite sortie en Indonésie - bébé oblige - me voilà en France pour un bon mois. Je dois dire que ce fut une arrivée en catastrophe. A peine étais-je sorti de l'avion, j'ai été pris d'un grand malaise. Il a fallu me transporter d'urgence en réa où j'ai eu droit à une double perfusion, l'une de munster, l'autre de bordeaux 2009. Carences aigües a-t-on très vite diagnostiqué… Ouf, j'ai échappé de peu au lavement au pommes de terres sautées. Souverain paraît-il pour effacer le goût du riz…

Grâce à un régime à base de haricots blancs aux lardons, j'ai bon espoir de récupérer rapidement et reprendre le fil de ce blog. Sauf qu'en France, je n'ai plus rien à dire de la Thaïlande, qui est pas mal l'objet de mes divagations...

Peut-être l'occasion de réflexions qu'on pourrait intituler : les tribulation d'un expat en France.

En arrivant, j'ai trouvé une lettre de la préfecture dans la pile de lettres qui m'attendait. On m'y annonçait que j'avais regagné tous les points de mon permis. Par abandon ! J'avais quitté le ring, sinon j'aurais perdu... aux points ! C'est drôle comme des choses qu'on croyait importantes peuvent devenir indifférentes. J'étais exaspéré par les limitations de vitesse sur les routes, avec les ridicules successions de panneaux 90 - 70 - rappel - 50 - 30 - 50 - 70 - rappel… - 90 - 70 sur deux kilomètres, et la crainte de perdre des points. Après un an de Thaïlande, où je dépasse rarement le 100, je n'ai plus de peine à respecter les limitations, je roule même en dessous. J'essaye plutôt de me concentrer pour ne pas rouler à gauche et mettre en route l'essuie-glace au lieu du clignotant…

Mais comme il fait bon dans ce pays ! Pas besoin d'interroger le thermomètre pour savoir si on va pouvoir faire son jogging sans éclater comme une cocotte minute. Le bocage breton, ses calvaires, ses vieilles maisons et ses mille nuances de vert m'enchantent.

Au supermarché, une vendeuse me fait le coup du "BONJOUR !" agressif quand je lui demande (poliment) un renseignement. Si elle veut me donner une leçon de bonne éducation, c'est une cause perdue : je me sens lointain, amorti, je suis encore dans la rizière.

Je retrouve un ami d'enfance. De son côté, le temps est aussi passé. Il me dit qu'il souffre maintenant d'un mauvais cancer. Mais rien ne se lit sur son visage à peine amaigri par la chimiothérapie. Il est trop bien élevé pour manifester des sentiments qui pourraient gêner l'entourage. Il me confie qu'il lui indiffère de mourir : il ne comprend plus rien à notre pays, et son évolution lui semble parfaitement mystérieuse. Je me sens moins seul. Nous nous quittons en nous promettant de faire très bientôt une grande marche au bord de la mer.

La maison n'a pas été ouverte depuis un an. La pompe de la chaudière est grippée, et il n'y a plus d'eau chaude : gênant, pour le bébé. En attendant que l'homme de l'art réponde au téléphone, j'entends la ritournelle qui vante les mérites de la société : on vous dépanne en moins de quarante-huit heures, y compris le samedi et le dimanche. Aujourd'hui, c'est lundi. Mais on me propose un rendez-vous la semaine prochaine. Le temps des pubs n'est pas le même que le temps de dépannage : c'est moderne, ici on applique les lois de la relativité einsteinienne.

Même chose avec Prixtel, le revendeur de lignes téléphoniques : la carte SIM est arrivée avec beaucoup de retard, contrairement aux promesses. Et rien ne marche - en fait nous ne sommes pas en territoire éligible. Heureusement, Prixtel n'a rien prévu pour qu'on puisse entrer en contact et ne tient aucun compte de ma rétractation demandée dans les deux semaines légales. Oui, heureusement, car c'est sans doute pour eux la meilleure manière d'éviter des conflits… En Thaïlande, on peut toujours appeler quelqu'un. Il existe forcément une relation humaine entre toi et la société dont tu es client. En France, cette relation a disparu. Le nombre de plates-formes téléphoniques sur lesquelles je suis monté depuis mon arrivée - j'en ai les jambes cassées !

Oui, la France me paraît incompréhensible, comme à mon ami. Pour bien d'autres raisons, certes, mais au moins aussi incompréhensible que la Thaïlande. Reste le fromage. Faut que je fasse attention d'ailleurs. Je me demande ce qu'on risque si on fait une overdose au comté vingt-quatre mois...


L'île au fond est appelée "le camembert". Oui je sais, je fais une petite obsession en ce moment...