mercredi 27 juin 2018

Thaïlande - Indonésie : le jeu crétin des comparaisons



Quand un étranger passe de Thaïlande en Indonésie, de "farang", il devient "bulé". Mais il reste toujours l'étranger. Il promène le même regard superficiel sur des mondes qui lui resteront longtemps opaques, s'étonnant et s'émerveillant des différences. Mais en fin de compte, les gens sont partout les mêmes. Tant pis ! Je n'essaierai pas d'échapper à ma propre bêtise...

1/ Tong plate en Indonésie, sandalette ou Crocs en Thaïlande ; parfois les femmes thaïes portent des tongs, mais souvent avec un talon ; elles montrent leurs jambes, et ça peut être joli. En Indonésie, avec la tunique longue qui tombe en chiffon sur la tong grise de poussière : oublie ! Remarque, tu me diras que c'était le but du jeu...


2/ Le nombre de mosquées au kilomètre carré en Indonésie dépasse le nombre de temples bouddhistes en Thaïlande, aussi incroyable que cela puisse paraître. Et on continue d'en construire. Régulièrement, la circulation est arrêtée par des personnes armées d'épuisettes qui servent à faire la quête. L'épuisette déjà bien remplie incite le croyant à une pieuse générosité. En Thaïlande, ce sont les militaires qui t'arrêtent. En principe, ils ne demandent pas d'argent. Mais c'est arrivé.

Comme je suis un grand pervers, je rêve d'y lancer des pièces pour voir la tête du mec quand elles passeront par les trous.

3/ La couleur des murs : plutôt rose en Thaïlande, souvent verte en Indonésie… L'architecture urbaine est un peu moins hideuse en Indonésie qu'en Thaïlande. Toits en tuiles, murs en briques contre parpaings brut. Et quelques restes de la colonisation hollandaise - alors que la Thaïlande n'a jamais été colonisée par l'occident. Mais globalement, c'est quand même très laid.

Il y a des exceptions. Celle-ci, j'aurais pas osé, mais je la trouve sympa.

4/ Le bruit en ville : le thaï est très réservé sur le klaxon : parfois un petit coup bref pour avertir, mais il préfère l'appel de phares qui donne un regard si expressif à sa voiture neuve (ou pas)… L'indonésien corne souvent, avec impatience sinon agressivité. C'est d'ailleurs étonnant qu'on puisse donner autant de nuances à un instrument monocorde qui fonctionne en tout ou rien.

Et puis il y a l'appel à la prière à quatre heures du matin : on n'y échappe nulle part. Les chants des moines bouddhistes commencent à six heures : deux heures de gagnées - et c'est pas tous les jours !

5/ Le tempérament : l'indonésien est plus "méditerranéen" ; il t'aborde, s'installe d'autorité à ta table, te parle sans discontinuer ; dans la rue, il t'interpelle : "hello, mister !" C'est à la limite de l'étrange - ils n'imaginent pas que ça puisse te gaver de saluer tout le monde tout le temps. Les femmes te demandent ton âge, veulent savoir si tu voyages seul... Si tu as répondu oui, quelques minutes après, elles vont finement te demander si tu as laissé ta famille au pays...

Bref, si les thaïs sont souriants, les indonésiens sont chaleureux, limite envahissants.

Toutes les anglaises ne sont pas rousses...

Il y a des chiffres derrière tout ça : vingt-sept millions de touristes en Thaïlande pour une centaine d'îles, sept millions de touristes en Indonésie… presque tous concentrés à Bali - alors qu'on compte mille huit cents îles ! Mis à part l'intérêt mercantile, le bulé suscite de la curiosité, les indonésiens ne sont pas encore blasés.

Quand je vois un étranger, j'ai besoin de savoir d'où il vient. Il faut que je le classe à l'aide de mes stupides préjugés. Une fois que je sais, la plupart du temps, il ne m'intéresse plus. C'est bizarre comme fonctionnement, non ? Mais tout le monde le fait. La différence, en Indonésie, c'est qu'ils t'arrêtent dans la rue pour te demander. Alors qu'ils ne savent pas quelle est la capitale de la France. Ils me demandent mon nom (qu'ils n'utiliseront jamais). Si je marche, ils veulent savoir où je vais, ce que je fais, ce que je veux. Les thaïs sont curieux, mais les indonésiens ont encore moins de retenue. Enfin, peut-être pas si curieux que ça. A la limite, ces questions sont des prétextes pour me parler (ou montrer naïvement qu'ils savent trois mots d'anglais). Il y a un prestige du bulé en Indonésie. Et les indonésiennes nous trouvent beau !

6/ La langue indonésienne est incomparablement plus facile que la langue thaïe. Les sonorités sont proches des nôtres. La grammaire quasi inexistante. Quand on parle en indonésien, les gens comprennent tout de suite, alors que quand on parle thaï… on croit qu'on parle thaï ! Les gens te regardent avec une curiosité étonnée mêlée d'un zeste de moquerie.

Et puis en Indonésie, tu lis les affiches, tu vois le panneau de sens interdit, avec en dessous, "Dilarang…" : tu comprends tout de suite que dilarang veut dire il est interdit de… On apprend vite.

Exemple : ici, il est interdit de prendre la position de l'indien qui guette dans les toilettes.
 Évidemment, quand on voit écrit à tout bout de champ, "mun cul, mun cul", on s'étonne un peu. Ça ne s'invente pas, "mun cul" veut dire "se montrer"…

Humour indonésien : Ajjipp est une marque de macaronis vendus dans la rue, dans des boutiques ambulantes comme celle-ci. L'affiche décrit les différents niveaux ("level") de force du piment qui sont proposés par ordre croissant : # ma chérie, # divorce 1, divorce 2 et divorce 3, et pour finir, # polygamie. Rassure-moi, tu es comme moi, tu te roules par terre ?

7/ En Thaïlande, on voit souvent des moines bouddhistes marcher le long des routes. Marcher est donc respectable. Un indonésien ne marche à pied que s'il est vraiment forcé et s'il est très pauvre. Je n'ai d'ailleurs jamais vu un imam à pied. Ni un indonésien faire du sport. Alors qu'on voit des bourgeois thaïs qui font du jogging ou du vélo le soir après le travail. Pas beaucoup, mais quand même. Le sport individuel est un marqueur de l'évolution des sociétés.

Personne ne marche en Indonésie. Résultat, aucune attention n'est portée aux trottoirs. Marcher dans la rue est un sport éprouvant qui suppose une bonne condition physique et une excellente vision 3D : dénivelés très élevés, pierres qui roulent, fausses marches traitresses, trous à éviter pour ne pas tomber dans les égouts (où coule une eau grisâtre, bulleuse, qui sent mauvais…) Jamais un 4x4 ne pourrait passer...

En Thaïlande, le sol est un peu plus égal, mais il faut marcher à quatre pattes : le nombre de barres métalliques que je me suis pris en marchant sans regarder ! Les auvents des magasins volent en rase-mottes et en formation serrées...

Ici on se déplace dans des minibus où je tiens plié en quatre, ou dans des pick-up (ou je crois que je tiendrais debout)

8/ En Indonésie, pays musulman, le chien est considéré comme impur, et on n'en voit jamais. On m'a rapporté qu'un tout petit chien introduit par un farang avait fait courir toute une bande d'indonésiens. Cette absence est presque déroutante quand on vient de Thaïlande où les chiens en semi-liberté sont légion.

En revanche, il y a beaucoup de chats. Je pense qu'il y a un vrai intérêt à avoir des chats en Indonésie : ils tuent les petits serpents (et se font manger par les gros). Tiens, au fait, il y a quelques jours, une villageoise a été retrouvée dans le ventre d'un python à Sumatra - décomposée par la peur et les sucs digestifs. Le journal précise que c'est en entendant des bruits de digestion que le voisin est tombé sur le serpent endormi. Je ne peux m'empêcher de citer Alfred de Vigny :

"J'aime le son du corps le soir au fond du boa"

9/ Les fruits sont plus variés et meilleurs en Indonésie qu'en Thaïlande. A la saison, la mangue indonésienne dépasse tout ce que tu peux imaginer, avec sa très subtile acidité et ses arômes qui rappellent l'essence de térébenthine.

La bouffe ? Ah ça, je ne pouvais pas y couper ! La nourriture indonésienne s'est enrichie de l'apport hollandais, ce qui la rend (un peu) plus familière. La nourriture thaïe a une parenté chinoise que n'a pas la nourriture indonésienne, elle est étrange à nos papilles.

Restaurant ambulant (qui fait aussi moto-drive in !) On y sert du tofu et du riz enveloppé dans une feuille de bananier.

10/ Les boissons : d'abord, il faut se rappeler qu'en Indonésie, l'alcool est interdit à la vente. On se rappelle le saccage d'un magasin qui avait refusé de fermer son rayon, et le meurtre de son propriétaire par des intégristes il n'y a pas si longtemps. Très étonnant, car les indonésiens ne donnent pas du tout l'impression d'être des violents - ce qui montre que l'excès de religion peut causer autant de ravages que l'excès d'alcool. Mais bon, dans les clubs fréquentés par les occidentaux, on trouve encore des boissons alcoolisées.

Bizarrerie indonésienne, on ne trouve pas d'eau gazeuse. Jamais. Alors qu'en Thaïlande, elle coule en abondance. Déduction : elle est importée par les étrangers pour allonger le gin et la vodka !

Les jus de fruit ont tendance à être trop sucrés dans les deux pays. Mais en Indonésie, on trouve quantité de jus frais préparés au mixer. Il faut demander un peu moins de sucre (sedikit gula) et éviter qu'ils n'ajoutent du lait concentré sucré ! Je suis dingue du jus jamboo, un jus de goyave qu'on trouve facilement. Je ne serais pas étonné que les soixante-douze vierges servent ce nectar à leurs héros.

Au fait, je ne t'ai pas dit, j'ai eu confirmation qu'il y avait bien soixante-douze vierges, mais d'après un hadîth (peut-être mardûd) elles auraient entre soixante-sept et quatre-vingt-onze ans. Tout cela reflète un ordre admirable. D'abord, les jeunes gens se font sauter. Ensuite, ce sont les vierges.


Poubelles au bois de Vincennes, Paris, France. Un car de prêtres sud-américains observe la scène avec mélancolie.

J'aurais pu encore continuer longtemps, te parler du combat qui fait rage entre deux grandes enseignes de commerce de proximité, Indomaret et Alphamart en Indonésie, alors que Seven Eleven règne sans partage sur toute la Thaïlande. Et gloser sur leurs étranges ressemblances. Ou bien, ce qui t'aurait plus intéressé, comparer la beauté des paysages. Ou le niveau de sécurité dans les deux pays et raconter l'engueulade que j'ai eue aujourd'hui avec un chauffeur de minibus. Ou encore évoquer la consommation forcenée de thé en Indonésie... alors qu'on n'en consomme pas du tout en Thaïlande : culture de l'islam ou culture du camélia ? Etc. Je préfère en rester là : je sais pas toi, mais moi, entre les tongs à talons, muncul et les soixante-douze vierges, je trouve que le niveau de ce blog a beaucoup baissé…

Le minibus : le meilleur moyen pour se déplacer en faisant ses exercices de yoga

dimanche 24 juin 2018

Toi l'étranger qui sans façon…


Ce n'est pas un montage. Cette photo encadrée trône au milieu du mur de la salle d'attente. Pour tromper l'ennui je pense...

Ce matin à l'aube, je descend de l'autocar dans une ville que je ne connais pas. Quelqu'un que je n'ai jamais rencontré doit venir me chercher. L'heure arrive, personne. Une demi-heure passe, toujours rien. Le mieux serait de téléphoner pour savoir s'il compte honorer notre rendez-vous, s'il a oublié, ou si je me suis trompé de jour ou d'endroit…

Le problème, c'est que je n'ai pas de connexion sur mon portable. Voyant que j'ai l'air d'attendre quelqu'un et que je donne des signes d'impatience, le type de la compagnie de bus me demande si j'ai un numéro de téléphone qu'il pourrait appeler pour moi. Je le remercie… mais j'ai bêtement laissé ce numéro sur Line, et il me faut donc internet. Il y a bien le wifi ici, celui de la compagnie de transports, mais avec un mot de passe. Le serpent se mord la queue.

Je lui montre mon portable, la page de paramétrage, et il comprend tout de suite. Il me fait un grand sourire, prend le téléphone, tape le code, et me donne accès au wifi de la compagnie. Cool, non ?

Oui mais…? Peut-être qu'il m'a aussi donné accès au réseau de la compagnie ? Quelle imprudence ! Je vais pirater des données, ou bien introduire un virus. Enfin... pas du tout sûr qu'il y ait un réseau interne, ici. Quand même, il a pris un risque.

Et puis je pourrais utiliser internet d'une manière illégale, faire des téléchargements sur le darknet, accéder à des sites anarchistes ou pédophiles, que sais-je encore. Mais au fait, y a-t-il de la pédophilie en Indonésie ? Oui, sans doute. Est-elle poursuivie ? En théorie, certainement, mais en pratique ? La police a d'autres chats à fouetter, vols et meurtres. Alors regarder des images…? Ok. Quand même, mieux vaut être prudent quand on ne sait pas, qu'on a affaire à un inconnu…

Je pourrais aussi revenir le lendemain, et encore après, pour profiter abusivement de ce code, le distribuer... Douteux, pense-t-il, car je suis étranger, je ne vais pas rester ici - d'ailleurs, je ne pense qu'à déguerpir.

Au final, je me retrouve avec deux hypothèses :

a/ il y avait des risques, peut-être ceux que j'ai énoncés, peut-être d'autres, mais l'homme n'en avait pas conscience, il n'a pas réfléchi. Car ici, on fait souvent les choses comme on les sent. Au travail, il n'y a ni protocoles ni parano - tout au plus quelques consignes - on a pas mal de marge ;

b/ l'homme n'a pas pris de risques, parce qu'aucun de ceux que j'ai envisagés n'existe ici ; peut-être en Europe, en Amérique - mais dans le petit bureau de la compagnie Nusantara de Bandung, non ; il n'y avait aucune chance pour que son initiative se retourne contre lui.

Pour juger de son acte, un autre facteur entre en ligne : l'aurait-il fait pour un compatriote ? Pas forcément. Peut-être l'étranger, malgré ses dollars, lui apparaît-il comme un être faible et sans défense, qui ne risque pas d'être nuisible. Peut-être est-il tout simplement sympathique parce qu'il le fait rêver à des images vues à la télévision, là où il n'ira jamais.

En fait, il s'est contenté d’obéir à un instinct de solidarité pré-câblé chez l'immense majorité des humains. Soigneusement sélectionné par l'évolution : la horde a intérêt à intégrer au groupe celui qui aide les autres, car elle pourra compter sur lui quand il faudra chasser l'auroch ou d'autres animaux terribles !

Là, je ne vois pas comment je pourrais encore amoindrir la valeur de la bonne action de cet employé...

Au moins, je peux dire qu'il a agi selon son cœur. Les indonésiens et les thaïs fonctionnent souvent comme ça.
- Allons ! Les français sont tout aussi solidaires et capables d'actes d'altruisme magnifiques…
- Certes ! En cas de catastrophes naturelles majeures...

Au fait, est-ce que ces fameuses "rencontres authentiques" dont se gobergent les touristes (et dont je me moque ici) n'auraient pas un rapport avec mon aventure ? Le touriste part au bout du monde, à la recherche de ce qu'il n'a pas chez lui : des gens qui ne se prennent pas la tête et qui réagissent naturellement. Et le voilà tout ému et tout content.


Roissy en France


Un bureau du côté de la gare des bus, terminal 3. Deux femmes désagréables, une jeune et une vieille, vendent des tickets d'autocar, planquées derrière une vitre renforcée. Je les connais bien, je passe par là au moins une fois par an. Quand je leur demande un renseignement, j'ai l'impression d'exiger d'un agonisant qu'il saute 1.50 m en ciseaux. Et quand elles ouvrent la bouche, j'entends le rottweiler qui gronde dans leur gorge.


Je n'imagine pas une seconde que ces femmes puissent aider quelqu'un, sinon contraintes par l'obligation de porter secours à une personne en danger, et encore. Je le sais d'expérience. Un jour, rentrant d'un pays exotique en plein hiver, je suis tombé sur un vague de froid. Grelottant, j'ai tenté de squatter leur bureau - le café était en travaux. Je me suis fait jeter comme un malpropre. Triste. Encore plus pour elles que pour moi.

J'ai bon espoir d'avoir choisi mes amis parmi les rares qui, justement, pourraient prendre des risques pour quelqu'un en difficulté, braver l'administration, les règles, aller au-delà de la minable trouille. Des gens qui peuvent penser tout seul. Des gens que tout ne terrifie pas. Qui ne disent pas : on ne sait jamais, mieux vaut être prudent.

D'un côté, je profite des avantages d'un monde moderne et bien ordonné. De l'autre, j'ai la nostalgie de cette humanité solidaire qui s'étonne qu'on mette ses parents dans des maisons de retraite et qu'on vive chacun pour soi.

Ce qui est terrible, c'est qu'on ne peut pas avoir l'un et l'autre.

Ce matin, je fais l'ami du petit déjeuner... Mamie habite encore avec tout le monde.

Beaucoup s'indignent sans comprendre l'intrication des obligations : chaque société a sa cohérence interne, tissée par une infinité de liens. On ne peut pas avoir un i-phone, de bonnes routes, une politique un peu éco-responsable, la sécu... et des gens qui prendront le temps de vous aider. Tu sais, ces gens merveilleux qui te répondent sur les plates-formes téléphoniques...

Beaucoup rêvent de réformes qui permettraient d'avoir le meilleur des deux mondes. C'est impossible, ils sont incompatibles. Il faut choisir... En occident, on a déjà décidé :  ce sera le Meilleur des Mondes.

Oui je sais, tu ne me crois pas... Tu penses qu'avec tes petites actions positives, tu vas améliorer les choses. Tu imagines qu'il s'agit juste d'une question de volonté collective. Qu'il faut continuer à éduquer... Je suis si triste de te dire que non, ce n'est pas une question de bonne volonté, c'est une question de structure.

Autant on a tendance à surestimer la solidité de la société (en imaginant par exemple qu'on pourrait régler le problème des banlieues avec l'armée !) autant on sous-estime la force des structures économiques. Les gens vivront sous n'importe quel régime, on peut faire la révolution. Mais ils ne se passeront plus de leur confort, de leur écran géant, du supermarché du coin et de la médecine (presque) gratuite.

A la limite (et tu imagines comme ça me troue le c... de dire ça), les babas-cools qui gardent des chèvres ont une analyse plus cohérente de la société.

Mais... la voiture du cousin de l'ami de l'ami arrive, et le voilà qui sort en me faisant de grands signes... Je me retourne vers l'inconnu derrière son bureau : so long, bro !

*                          *
*

Structures :


1/ le "pasar" (bazar) de Purwakarta, Java : supermarché local avec nourriture, vêtements, bricolage. Le vendeur est parfois aussi le producteur ou un parent proche - entreprises familiales. Approvisionnement dans les 50 km avoisinnant.


2/ le supermarché des années 80 : bâtiment isolé, une société internationale et des employés, le règne de la tête de gondole et des produits plus chers à hauteur de regard :


3/ le nouvel espace commercial : le mall : un supermarché entouré d'une quantité de magasins franchisés : le retour aux bonnes vieilles valeurs du petit commerce ? MDR...


Honnêtement, lequel te fait le plus envie pour tes courses hebdomadaires ? Tu hésites ? Deux photos pour t'aider à choisir :

Le petit chat est mort dans l'escalier du bazar et la petite fille regarde à distance, fascinée :



La rigole à côté du trottoir, sous le magasin de fruits






dimanche 17 juin 2018

Indonesian Song : Jepara



Je suis allé rendre visite à mon ami Sylvain et à sa délicieuse épouse. Ils habitent en Indonésie. Ce matin, Sylvain m'a déposé dans la ville de Jepara avant de vaquer à ses occupations. Parti à la découverte, nez au vent, j'ignorais quelles terribles épreuves m'attendaient...

Jepara est la capitale de la fabrication de meubles en bois, après avoir été, paraît-il, celle de la prostitution. Ce qui se comprend : il y a une certaine parenté entre la pipe et le guéridon en acajou. Mais les jeparettes d'aujourd'hui m'ont l'air bien honnête…

J'adore le grand col de la fille en rose. Érotique en diable... Et que signifie la main posée de la mignonne en noir ?

Les habitantes sont charmantes, mais la ville est presque aussi laide qu'une ville thaïe. Un toit en tuiles, un mur de briques sauvent parfois un bout de rue. On a aussi quelques jolis coins le long du canal mais il ne faut pas regarder de près, l'odeur de m… est parfois suffocante.


Promenade romantique malgré les remugles - tout semble si calme... Tandis que je déambule - étrange ! - je vois un dormeur du val sans trous rouges...


Puis je croise un couple de gays. Ici, l'homosexualité est réprimée par la religion. Alors ils se cachent. Mais quel est ce totem impie et tapi (dans l'ombre) qu'ils vont adorer ?


Malgré ces rencontres déroutantes, je me sens zen. Il ne fait pas encore trop chaud. Dans la rue, les gens me sourient. Certains disent que les indonésiens ont la tête près du chapeau - préjugé dont l'origine m'échappe... En fait, ce sont les gens les plus calmes du monde.


Mais au coin de la rue, l'aventure démarre. Une jeune femme... Pourquoi a-t-elle l'air si rêveuse ? Pourquoi pose-t-elle son téléphone près de son cœur ? Elle vient de recevoir un message sur Line...


Pendant ce temps, une autre jeune femme, l'air furibond, se précipite à la rencontre de la première, accompagnée d'une affreuse sorcière. Tandis que jubile le conducteur du pousse-pousse : il va y avoir des étincelles !


Car les conducteurs de pousse-pousse, au cas ou tu l'ignorerais, appartiennent à une étrange secte extrêmement malveillante. Tiens, celui-ci par exemple : regarde bien, on croirait qu'il dort, alors qu'il reçoit des instructions d'un arbre au visage inquiétant.


Je comprends qu'une terrible histoire est en train de se nouer. Je vois arriver en trombe une famille casquée comme un car de CRS (le hidjab est, paraît-il, souverain contre les embarrures et autres fractures du crâne).


Je les reconnais, ce sont les Montagu. Mais voici venir les Capulet, dans leur splendide carrosse doré. A peine arrivés, ils dégainent leurs enfants d'un air menaçant...


Pour ne pas me trouver pris entre deux feux, je saute sur un vélo qui traine et je pédale à m'éclater les poumons vers la sortie de la ville.


Au bout de quelques kilomètres, j'arrive à la mer. Horreur ! Elle est couverte d'araignées géantes...


 Au loin, un sous-marin quantique de l'armée indonésienne fabriqué en bambou surveille la côte.


 Imagine ma terreur quand les immenses araignées ont commencé à avancer vers moi...


Je suis reparti en sens inverse à toute vitesse. Au bout de quelques centaines de mètres, je me suis trouvé bloqué devant une mosquée. Il y avait plein de monde. Un barrage filtrant ? Non, c'était le dernier jour du ramadan, tout le village était réuni et priait. Sauf une bande d'enfants qui chahutaient.

Sylvain m'avait prévenu : "les enfants sont élevés dans la haine des mécréants. Le "bulé" (l'étranger) est considéré comme un sheïtan, un Satan... Alors ils sont souvent agressifs avec nous..."

Un gamin m'a jeté une pierre. J'ai réussi à l'éviter. Mais si les autres s'y mettaient, j'étais dans un mauvais cas. Heureusement, un homme s'est interposé...


Sauvé... pour l'instant ! Je me suis ressaisi et j'ai regardé autour de moi. Devant, comme une collections d’œufs de Pâques, les femmes priaient.


Concentrées, attentives. C'est alors que...


Une jeune femme avait jeté son dévolu sur moi et me faisait de grands signes, comme si nous nous connaissions... bibliquement - le comble pour une musulmane ! Situation périlleuse ! Dans l'exaspération fiévreuse d'une fin de ramadan, pressé par la foule, c'était le mariage d'office, précédé d'une bénédiction de l'imam et d'un coup de machette sur le bout de ma quéquette !

Je me suis enfui en courant et je me suis caché au Bar-Tabac du coin, où l'on vend des œufs durs (comme au café des Sportifs où on a bu tant de coups ensemble).


Dans l'épicerie attenante, j'ai vu une jeune employée qui pesait des œufs sur une balance. Il y avait quelque chose d'irréel et de très bizarre dans cette scène - mais quoi ?

C'est alors que j'ai eu une illumination. Toutes ces frayeurs, toute cette course haletante n'avaient qu'un seul but : la révélation d'un étrange secret.

Et ce secret, je vais maintenant le partager avec toi car tu es mon ami(e) !

En Indonésie, on ne vend pas les œufs à la dizaine ou à la douzaine, on les vend au kilo !


vendredi 15 juin 2018

Traité du Zen, de la gestion des moteurs Honda et des pastèques pourries


Auto-portrait nocturne

Un jour, quand j'habitais au centre de Korat, j'ai acheté une pastèque au marchand de fruits du marché, en dessous de chez nous - comme presque tous les soirs. Une fois dans l'appartement, nous nous sommes rendu compte qu'elle était bien pourrie. Nous étions des clients réguliers, il nous connaissait bien : simple coup de malchance. Suivi d'une Fon étrangement réticente, je suis retourné échanger la pastèque. Le marchand l'a examinée méticuleusement avant de m'en donner une autre. Je sentais qu'il le faisait à contrecœur mais surtout qu'il était surpris.

Était-ce une bonne idée de retourner le voir ? J'avais exprimé mes doutes sur ce blog. J'étais ignorant mais j'ai maintenant la réponse : il ne fallait pas !

Il y a quelques jours, j'ai acheté un moteur de bateau avec son arbre de sortie et son hélice. Une semaine plus tard, en pleine mer, l'hélice a commencé à devenir folle, la barre impossible à garder droite, et j'ai vu que l'arbre semblait se démancher du moteur. J'ai arrêté le moteur en catastrophe. Si je continuais, l'arbre et l'hélice tombaient à l'eau, irrécupérables même en plongeant. Je n'avais pas encore d'avirons, et j'étais en panne au large...

Finalement, voyant que je n'avais pas le choix, j'ai tenté ma chance. J'ai redémarré et réussi à rentrer très lentement, en donnant des petits coups de gaz pour avancer droit et en priant le ciel pour que l'arbre ne se démanche pas complètement.

Arrivé à terre, j'ai regardé : l'arbre était à 90° de sa position normale. Il flottait dans le manchon de sortie de moteur. Alors qu'avant de partir, j'avais vérifié les papillons. Pourquoi ne tenait-il pas ? Diamètre insuffisant, tout simplement. Le magasin spécialisé qui vendait tous les jours ce type de moteur m'avait fourni deux parties qui n'allaient pas ensemble. Pour les faire tenir, elles avaient été solidarisées avec une vague soudure qui avait cassé.

Pas cool du tout. Que faire ?

L'hélice, l'arbre et ses papillons... les rois de l'évasion !

Réponse occidentale : aller dans le magasin, râler et demander qu'on remplace le matériel qui ne va pas.

Perdu !

Réponse thaïe : aller chez un petit bricolo du coin ; pour trois euros, faire allonger la fente de la sortie de moteur avec une disqueuse afin que les papillons pincent vraiment l'arbre. Au risque de fragiliser la sortie de moteur qui se fendra peut-être complètement dans trois mois !

De manière générale, quand on te vend quelque chose, en Thaïlande, on te le vend "tel quel", comme tu le vois. A toi de te débrouiller. A partir du moment où l'argent a changé de main, tu as acheté et tu es le seul responsable de tout ce qui peut arriver.

J'ai aussi commandé une paire d'avirons chez un artisan qui ne fait que des avirons. Il m'en a livré une jolie paire d'un bois clair, solide et léger. Du teck thaï - sorti brut de l'atelier : pas de vernis, pas de protection contre le frottement du tolet, pas de garde (pour éviter qu'ils ne glissent dans l'eau. Inutilisables. Il a fallu trouver des chambres à air de vélos : pas simple, personne n'utilise plus de vélos en Thaïlande, tout le monde est motorisé. Et les enfiler de force avec beaucoup d'huile de cuisine... et de coude.

Du pneu de vélo, de la semelle de tong : la base de la sécurité à bord...

Notre plage : le Bata des unijambistes. Hallucinant le nombre de tongs qu'on y trouve. J'ai décortiqué une semelle de tong, je l'ai coupée en deux parties, j'ai fait des trous et j'ai enfilé ces rondelles percées sur les rames : splendides gardes de luxe !

En règle générale, en Thaïlande, les produits ne sont pas terminés. Beaucoup sont fabriqués par un artisan, et non par une entreprise qui prendrait en charge les finitions. Tu achètes un objet, à toi de te débrouiller pour le rendre fonctionnel.

A toi aussi de juger de sa qualité. Un fauteuil acheté dans une grande chaîne de bricolage (HomePro), qui se démantibule au bout de quinze jours : on t'explique que c'est de ta faute, il fallait payer plus cher et prendre plus solide ! Imparable…

On peut même te vendre un jouet mécanique neuf…
- Mais je n'arrive pas à le faire marcher…?
- Ben oui, le mécanisme est cassé. Mais si ta fille le veut, tu achètes quand même.
Nam le voulait. On a acheté. Pas folle, la vendeuse…

Avant-hier, le propriétaire de notre maison arrive avec une équipe de bucherons pour scier les branches d'un palétuvier qui menace notre toit : trois gars  à moto, la tronçonneuse à la main.

Ici, la possession d'un outil tient lieu de compétence... Un quart d'heure après, j'entends un grand crac. Je sors et je vois qu'une assez grosse branche est tombée sur le toit.

Les bucherons ont tiré, la branche a terminé sa descente, emportant un petit morceau de toiture.

Un quart d'heure après, une branche tombe sur la cabane à recyclables et enfonce la taule.

Pendant ce temps, le propriétaire est là et regarde. Moi, il me paraît incroyablement zen. Mais Fon me dit qu'à sa tête, on voit qu'il n'est pas du tout content ! C'est ça l'Asie : on ne comprend pas tout...

Notre propriétaire regardant s'effondrer l'arbre sur le toit de la maison. Jamais je ne l'aurais cru en colère !

Mais que faire ?

Réponse occidentale : dire au chef des bucherons qu'il est responsable, qu'il a une assurance et que de toute manière, il doit se débrouiller pour réparer ou faire réparer.

Une assurance ? Et puis quoi encore ?

Le propriétaire n'a rien dit aux bucherons. Car ils ont fait de leur mieux, même si leur mieux n'est pas terrible... Et de toute manière, ça ne servirait à rien de dire quoi que ce soit.

Tout ce que je décris, ce sont des règles de fonctionnement de la vie courante - pas des exceptions. Il vaut mieux les connaître car il faut faire avec ! Le vendeur ou l'artisan sont souvent de bonne foi - c'est juste que le curseur responsabilité n'est pas au même endroit qu'en occident.

Le problème, c'est quand des grosses compagnies utilisent le fatalisme asiatique (on va l'appeler comme ça pour simplifier) afin de tromper les clients.

Certaines, malgré tout, se sont occidentalisées. J'ai eu une assez bonne expérience avec le service après-vente de Mitsubishi. Comment ça se passe ? En cas de problème, on va tenter de bricoler une solution (en te faisant quand même un peu sentir qu'on te fait une faveur). Attention, le concept de geste commercial n'existe pas en Asie. On t'a vendu un produit un peu pourri. On a quand même réussi à le faire marcher à moitié après quatre retours au magasin : estime-toi heureux !

D'autres compagnies tablent sur le manque d'éducation et le fatalisme local. Lion Air et Air Asia en profitent largement pour abuser leurs clients : politiques tordues pour les bagages, petites lignes à n'en plus finir, site web conçu pour tromper le consommateur - pas besoin de chercher longtemps pour trouver une quantité de plaintes sur internet émanant des occidentaux… D'autant que ces compagnies n'ont qu'un service client bidon : adresse mail où on ne te répond pas, téléphone où on te dit plus ou moins poliment que tu l'as dans le… dos !

Mais là, je me sens en terrain familier car... j'ai les mêmes à la maison ! Pire que Ryan et Easyjet réunis : sors de ce corps, hot-line de Free !



vendredi 1 juin 2018

Quatre petits nègres...


Le nez dans la poudre à la sortie de l'école ? Je m'interroge...

Il y a quelques temps, une famille de chats est venue s'installer chez nous. Une famille ? Pas tout à fait : sans doute une divorcée, arrivée seule avec ses trois petits. Comme nous avons l'esprit large, nous l'avons accueillie.

Je n'ai pas tout de suite vu les trois chatons. L'un deux se cachait dans les broussailles, très craintif. Mais il s'est décidé, et on les a trouvés tous ensemble vautrés dans le périptère (à moins qu'il ne s'agisse d'un amphiprostyle ?)

Le lendemain, il n'y avait plus que deux chatons. La mère vaquait à des affaires très importantes, on ne la voyait que par éclipse. On a supposé que le troisième était reparti se cacher derrière la maison, du côté de la mare.

Mais on ne l'a plus revu. Même pas eu le temps de lui soulever la queue pour savoir si c'était un garçon ou une fille.

La mère faisait des apparitions de plus en plus brèves. Avalant sur le pouce le rata de riz et de poisson déposé par Fon derrière la maison et repartant à ses occupations, l'air soucieux, le cul bien serré dans sa jupe grise stricte (à moins que je ne confonde avec mon ex).

En revanche, les deux petits semblaient bien s'habituer. Ils dormaient sur la planche à voile - bonne affaire pour éviter les salissures : les oiseaux prennent possession dès qu'on a le dos tourné et ils conchient tout.

Les chatons commençaient à faire partie de la famille. J'ai dû expliquer à Nam qu'on ne les prend pas par le cou (en les secouant...) pour les transporter. J'ai fabriqué un jeu de la bobine et tout le monde a fait courir les chats dans tous les sens jusqu'à ce qu'ils deviennent fous. En fait, j'adore les chats. Et j'aime particulièrement quand ils font  des petits sauts de côté en prenant l'air effrayé.

Mais la mère a disparu. Je me disais, pour me consoler, qu'elle était partie s'occuper du petit qui avait peur, qu'elle lui apportait de la nourriture puisqu'il était trop trouillard pour s'approcher de la maison.

Au fond, je n'y croyais pas.

Et puis il est arrivé un évènement terrifiant. J'étais en haut quand j'ai entendu des hurlements. Nam. Je suis descendu en courant. Dans un coin, Fon accroupie et Nam la tête sur ses genoux, protégée dans les bras de sa mère. Et un énorme chien-loup. Pas un chien jaune, un bâtard local, non, un animal qui semblait tout droit sorti d'un chenil allemand, sinon de l'enfer : énorme.

Il sautait de tous les côtés, laissant partout des traces de boue, incapable de fixer son attention - même sur la gamelle des chats. Il était très excité mais ne semblait pas agressif.

Je l'avais déjà vu au village. Accroché par une longe à un fil de six ou huit mètres de long courant sous la poutre d'un porche. Aboyant à tous les passants. J'avais soigneusement arrondi mon trajet pour l'éviter.

Il avait rompu sa laisse. Et comme il ne sortait jamais, il était tout fou - impossible de le calmer. Et trop imprévisible. Alors j'ai pris un bâton, j'ai commencé à crier, je lui ai donné quelques coups sur l'échine qui n'ont pas semblé l'émouvoir. Il continuait à tourner dans tous les sens dans le naos et l'opisthodome (nous hébergeons aussi ces animaux-là).

Un homme est venu en l'appelant. A sa voix, le chien a filé sur la route, à l'opposé du village et de l'homme. Je l'ai revu un peu plus tard dans sa maison, solidement attaché - pas l'homme, le chien. Triste.

J'ai pensé qu'il avait définitivement fait fuir les chats. Mais non. Une demi-heure après, ils ont surgi de nulle part. Et la vie a continué.

Quelques jours passent et je m'inquiète: le blanc a disparu, il ne reste plus que le rouge. Que s'est-il encore passé ?

J'ai mené l'enquête. On aurait entendu des cris du côté du mur de l'usine… sans certitude.

Il faut dire que nous vivons dans une niche écologique très riche, entourés de mares et d'herbes, isolés de l'humanité par le mur d'enceinte du terminal d'huile de palme désaffecté. La diversité des oiseaux est impressionnante. Les crapauds font tant de bruit que la nuit, on croirait une grosse machine qui tourne en grinçant. Il n'y a presque pas de chiens, nous sommes à l'écart du village. Alors il y a sans doute d'autres bêtes... de grosses bêtes... En Thaïlande, il n'y a pas si longtemps, il y avait même des tigres !



Tu sais ce qu'est un varan : comme un lézard géant, un petit dinosaure avec des dents pointues. J'en ai vu d'énormes dans le coin. Il y a aussi des serpents - dans les campagnes, on voit couramment des pythons de trois mètres qui traversent la route.

Carnivores qui ont fait des chatons un déjeuner de soleil. La vie est dure pour les petits d'animaux. Parvenir à l'état adulte est une chance, et le résultat d'un long combat.

Il nous reste un chat. Pour combien de temps encore ? Le soir, il miaule misérablement derrière la porte. Je le ferais bien entrer, mais Fon ne veut pas - les thaïs sont très stricts sur la différence dedans dehors, même les voleurs retirent leurs baskets en pénétrant dans une maison.

En y réfléchissant, je me dis que les bols de riz au poisson posés derrière la maison ont servi d'appâts. Nous avons attiré les chats, nous les avons exposés en terrain découvert - bref nous les avons littéralement donnés à manger aux prédateurs. Responsables à cent pour cent.

Quatre heures du matin, Fon me pousse du coude : il y a d'étranges cris tout près de la maison. Je me redresse d'un coup et tends l'oreille.

Non, pas des cris de chats, des cris d'oiseaux, mais on pourrait s'y tromper. Je descends pour voir où se trouve le rouge. Il a disparu. Je cherche des touffes de poils, les signes d'un dernier combat. Rien. Le varan ou le python l'aura emporté et dévoré tout cru.

J'appelle, j'appelle... Et finalement, j'entends de faibles miaulements : apeuré, le Dernier des Mohicans sort de sa cachette derrière le réfrigérateur. Ouf ! Ce soir, il dormira dans la maison.


Niche écologique entre mer et forêt, avec la maison dont tu auras forcément remarqué le pronaos...