lundi 27 juin 2016

Quand on se marie avec un étranger, on ne sait pas qui on épouse, disait ma mère...


Une princesse de mes connaissances
(car je connais des princesses, moi !)

"La princesse au pois" n'est pas le conte d'Andersen le plus connu, le plus apprécié et le mieux compris. Curieusement, quand on cherche sur Google, on tombe avant tout sur des magasins de vêtements pour le premier âge, des sites de lecture pour enfants, d'autres pour les enseignants. Sur l'un d'entre eux, le rédacteur appelle même l'auteur Handersen, ce qui est un peu hinquiétant pour ses hélèves. Serait-il hasthmatique par asard...?

Bref, il faut vraiment chercher pour entendre parler du conte. A dire vrai, je ne suis même pas sûr qu'il soit connu par d'autres que les admirateurs de celui que Dumas appelait "l'aimable poète danois". Tu peux me raconter l'histoire ? Tu préfères que ce soit moi ? Ok. C'est très court, juste une page dans l'original. Un jeune prince veut se marier, mais ne trouve pas de princesse à la hauteur de ses exigences. Un soir, une jeune fille qui se dit princesse (mais qui n'en a pas tout à fait l'air) se présente pour demander asile. La mère du jeune homme glisse un pois - l'histoire ne précise pas si c'était un petit pois extra-fin - sous le premier des sept matelas sous lequel elle allait faire dormir la jeune fille. Le lendemain, la princesse se plaint d'avoir atrocement dormi, et d'avoir un bleu à l'endroit de ce qui l'a tant fait souffrir. Elle fait ainsi reconnaître sa qualité de princesse véritable, et on la marie sans tarder avec le prince. 

Quand j'étais petit, je n'aimais pas cette histoire. Je trouvais que la princesse faisait bien des chichis. Alors qu'on valorisait l'opposé dans ma famille : supporter vaillamment l'adversité, ne pas se plaindre, surtout pour aussi peu de choses. Et en plus, quand on est invité, on ne fait pas de salades – c'est malpoli.

Plus tard, j'ai totalement changé d'avis. Ce qui m'amuse, c'est que c'est la future belle-mère qui établit le critère de mariabilité, et non le principal intéressé. D'ailleurs, on ne sait pas s'il est au courant du test. Si oui, certains trouveront à redire à cette liaison qui commence par une forme de mensonge. Peu importe, l'essentiel est pour moi qu'avec cette princesse, on trouve un peu de douceur dans ce monde de brutes.

C'est la raison pour laquelle j'ai glissé un pois (sans me vanter, assez gros) sous le matelas de Fon quand j'ai fait sa connaissance. Résultat, elle n'a presque pas dormi de la nuit. J'en ai immédiatement conclus que c'était la bonne personne.

Malheureusement, ce test ne permet pas d'envisager tous les aspects du problème de la mariabilité.

Ainsi, depuis quelques temps, j'ai remarqué que Fon terminait certaines phrases par un son nasillard particulièrement laid. Je te rassure, on a le même en français :
« ils font ch… -eian »

Tu sais, cet espèce de son traînard que certain rajoutent, qui tombent comme une crotte de nez. Si j'en crois ma référence sociologique(1), c'est le fait de jeunes femmes un peu gourdes et toujours fatiguées, qui n'habitent pas Auteuil.

Quand je pense à l'invraisemblable quantité de petites choses que Fon doit dire en thaï dont l'équivalent en français me ferait hurler ! En réalité, la princesse au pois, c'est moi ! Qu'une femme parle avec tel ou tel accent, je débande aussitôt. Qu'elle passe en coup de vent à la maison ce midi en vélo parce qu'il faut qu'elle aille au coiffeur : trois en un, au secours, il me faut des stimulants ! Je passe sur d'autres petits pois ultra-extra fins… dont j'ai presque honte. J'ai même souvenir d'avoir négligé une jeune fille aussi consentante que jolie, parce qu'elle avait un bas filé, et que cela faisait vraiment très moche. Oui, c'était il y a bien longtemps... Dans ses Confessions, Rousseau raconte l'histoire du téton borgne, qui lui a fait le même effet. Mais je ne suis pas Rousseau, tu avais remarqué : je suis bien certain que je fais tout autant de cuirs que les autres – mais on n'est jamais gêné par l'odeur de ses propres pets.

Je me réjouis donc tous les jours de parler aussi mal le thaï, et de ne voir en Fon qu'un ensemble de charmes et de douceurs ineffables : l'essentiel étant de ne pas se comprendre.

Aussi, quand je l'ai entendue dire ที่นี่ (thi ni..iaaan !) j'ai fait :


et j'ai demandé à Fon d'où cela sortait. Elle s'est reprise, sans rien expliquer – le contraire aurait été étonnant. Le mystère restera entier, et c'est aussi bien ainsi !

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(1) Elie Semoun


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