jeudi 27 octobre 2016

Le moustique thaï : un ami qui te veut du bien


Moi, ils me rendent dengue...

On critique trop souvent le moustique thaï, animal subtil mais mal aimé dont on ne perçoit pas forcément les qualités. Je dois donc me faire son avocat.

C'est d'abord, un être d'une grande délicatesse. Tu ne le verras jamais s'attaquer à la corne de tes talons. Il préfère la partie sensible du cou-de-pied, aussi près que possible des orteils, et celle qui recouvre les malléoles internes et externes de la cheville, là où la peau est très fine.

Pourquoi aime-t-il tes pieds ? Parce qu'il est malin. Imagine : tu attends tranquillement les fruits de mer que tu as commandés dans ce sympathique restaurant au bord de la plage. Il aimerait bien te piquer les paupières. Mais s'il tournicote autour de ta tête, il va attirer ton attention. Alors il se dirige vers tes pieds. Car ce grand anatomiste sait qu'on a rarement les pieds près des oreilles. Surtout au restaurant.

Le moustique thaï a un goût prononcé pour le farang. L'occasion de rappeler à Fon qui l'oublie trop souvent à quel point je suis bon et suave - car il existe forcément un lien entre l'exquise douceur de mon caractère et le fait que je sois un mets si prisé. Le moustique thaï m'aime. Le problème, c'est qu'il est un peu comme ces enfants qui ne savent pas s'arrêter, j'ai parfois de la peine à contenir son affection débordante.

Des pisse-vinaigre lui reprochent de piquer. A cette critique, deux objections. D'abord, que la personne piquée se concentre sur ce qu'elle ressent : un feu léger, stimulant, un picotement qui ne fait pas mal, avec au fond, si l'on fait vraiment attention, un petit quelque chose d'agréable. Voire, à la limite, érotique.
 
Surtout, ce n'est pas le moustique qui est mal fait, c'est toi. Si tu étais mieux fabriqué, tu sentirais tout de suite qu'il enfonce sa trompe sous ta peau. Alors que tu ne sens rien avant plusieurs minutes - quand il est déjà parti, le ventre plein. Ce n'est pas de sa faute, si tu es mal foutu. Tu n'as qu'à faire attention.

Le moustique thaï sait être fair-play. Quand il veut jouer avec toi le soir, dans la chambre à coucher, il te fait un petit signe amical. Tu viens d'éteindre la lumière, et tu entends alors le facétieux zin-zin de son vol qui augure un match joyeux, une sympathique partie de chasse. 

Une championne que je regarde jouer tous les soirs  
Le moustique est bon joueur : il ne vole pas très vite, surtout après le repas (le sien, pas le tien). Avec un peu d'entraînement, tu peux facilement l'écraser en claquant des mains, et même avec une seule main. Mais là, attention, il faut aussitôt aplatir la main sur une surface plane : combien en ai-je attrapés qui se sont ensuite libérés, à peine froissés, quand j'ai ouvert le poing !
 
Le moustique, on peut l'écraser à la main, mais aussi à la raquette. C'est un véritable sport auquel se livre tous les soirs Fon dans la chambre, dans la bonne humeur. Elle a acheté une raquette de la forme et de la taille d'une raquette de squash, engin électrique qu'il faut recharger périodiquement. En vente dans tous les bons magasins d'électricité.

La chasse à la raquette est un régal pour le corps et l'esprit. Je me demande pourquoi on n'organise pas de compétitions. Quand un moustique est touché par le grillage, on entend un crépitement, qui peut parfois durer plusieurs secondes, avec des saccades. On voit aussi des petits éclairs très jolis. On a le sentiment délicieux d'avoir passé ce salaud à la chaise électrique. Qu'il est bon d'exprimer sans honte ses pulsions sadiques ! La répétition des craquements laisse imaginer l'insecte secoué de spasmes, dans une agonie prolongée : c'est une vengeance qui ne se mange pas froide, mais grillée à petit feu ! Qu'elle crève dans d'atroces souffrances, cette ordure !

Il y a aussi les fondamentaux : la technique du mur. Écraser le moustique dans la chambre à coucher, debout sur le lit, après avoir exécuté quelques rebonds sur le sommier (et fait participer son partenaire), donne d'intenses satisfactions sportives. C'est comme du beach-volley, mais en trampoline - bien moins austère.

Le bonus, c'est quand le moustique est plein de sang : tu l'as aplati comme une crêpe et une belle tache rouge orne maintenant le mur. L'ordure venait de se gaver sur ton compte. Une impression de soulagement, d'équité te remplit le cœur. Tu sens qu'il existe quand même une justice immanente dans cette vallée de larmes.

Une grosse tache de sang sur le mur, ça passe. Dix ou quinze, ça fait retour d'Afrique, trophées de chasse, têtes de rhinocéros et d'antilopes. Bref, prétentieux. Alors finalement, les taches de sang sur le mur, c'est quand même mieux dans les chambres d'hôtels que chez soi.

J'oubliais. Le moustique est un être intrinsèquement bon. Jamais tu ne verras chez lui les signes de la haine violente que j'ai pu observer à son endroit chez certains humains. Peace and love.




2 commentaires:

  1. Souligner aussi cet aspect philosophique: c'est lorsque tu vois un moustique posé sur tes couilles que tu réalise que la violence ne saurait tout résoudre en ce monde.

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  2. Merci de cette contribution pleine de sagesse - sans doute le fruit d'une expérience personnelle...

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