dimanche 20 novembre 2016

Sur la route de Ko Kut


Traversée calme sous un ciel plombé


Ça y est, nous partons nous installer à Ko Kut. La mer me manque trop.

Le plateau du Mitsubishi est loin d'être rempli à ras-bords. C'est fou comme on peut se passer de choses. Ma vie se résume à la moitié d'un chargement de pick-up.

La route de Korat à Trat - le port d'où partent les bateaux pour Ko Kut - évite Bangkok. Elle traverse la montagne et les routes y sont en réfection depuis au moins deux ans. A part ce passage pénible, rien de spécial : même succession de petites villes hideuses, conduite irritante des thaïs qui te font des queues de poissons et t'obligent sans arrêt à freiner.

Et puis les barrages policiers, six en quatre-cent-cinquante kilomètres. Particulièrement pénibles pour nous car nous fonçons droit vers le Cambodge avec une moto sur le plateau : les flics craignent qu'elle ne soit volée et que nous allions la vendre - ils exigent ses papiers à chaque stop. Au retour, nous nous étions fait arrêter moins souvent. Mais un policier avait fait des phrases pour dire qu'il voulait prendre le café avec moi - une manière inédite de demander un bakchich. J'avais fait semblant de ne pas comprendre et il nous a laissé passer.

Y a-t-il des différences entre le culte bouddhiste chinois et le culte bouddhiste thaï ?
Un peu avant Trat, un très beau temple chinois sur fond de montagne. Si beau qu'on dirait un faux. On y entend une musique de fond très agréable et relaxante - très chinoise aussi, avec des gongs et des percussions métalliques.

Dragons et décos : on croirait qu'ils sont faits en perles en plastique - c'est très rigolo et... réussi !

A Trat, nous avons fait une escale de deux nuits et un jour pour signer le bail, ouvrir un compte en banque, faire quelques vagues courses, attendre en vain chez le prestataire télécom qui souffle le chaud et le froid. Au final, on ne sait pas quand on pourrait avoir internet - dans un mois dans un an.

Le départ est prévu pour le lendemain matin mais il faut aller à l'embarcadère la veille au soir charger la voiture au moment de la marée basse, sinon le bateau est trop haut sur l'eau. Le chargement se fait par le côté - pas par l'arrière comme sur les ferries - ça fait drôle, on se dit qu'au moindre coup de gite, la voiture va rouler et faire un gros plouf.

"Un yacht fin et racé, à l’étrave effilée de goélette mais aux superstructures puissantes d’un steamer. Un transatlantique en réduction capable d’affronter toutes les tempêtes, de vaincre toutes les embûches de la mer." No joke ?
Le bac fait environ vingt-cinq mètres de long, avec une cabine de pilotage à l'avant. Il est construit en bois exotique. Je donne une trentaine d'années à cette périssoire - moitié cargo, moitié bateau d'immigrants pauvres : un peu pourri, pas terminé, il fait peur… et confère à la traversée un vrai parfum d'aventure. Sur le pont, la pompe de cale fuit et inonde le lattis. Un gros jet sort sur le côté, ce qui donne une idée de l'état du calfatage de la coque. Si la pompe tombe en panne, le bateau se remplit en combien de temps ?

Au fond, le salon des premières. Tables de bridge virtuelles et bar imaginaire.
Sur le pont, entassés, des légumes - pas grosses : passagers de dernière classe
.

Nous sommes les seuls passagers avec une famille de l'île. On nous prête des nattes pour nous allonger sur une superstructure abritée à l'arrière, à même le plancher. C'est le seul confort. Pour pisser, j'ai la rambarde au gaillard arrière. Les dames sont moins favorisées.

La famille qui a embarqué avec nous : paisible.

La traversée est calme, et l'ennui me gagne. La gamine des autres passagers dévisage le farang avec une curiosité réprobatrice. Elle l'aura voulu : photo !



Mauvaise surprise à l'arrivée : nous devons nous amarrer à couple avec un autre bateau rempli à ras-bords en train de décharger. Trois bonnes heures d'attente avant qu'il ne décanille.

J'en profite pour ressortir le Nikon. L'embarcadère est sur un très long pier en bois bordé de maisons de pêcheurs sur pilotis d'un côté, de bateaux de pêche de l'autre. J'y fais une rencontre étrange.

On sait que la plupart des moines ne le sont que temporairement. Ici, peut-être un pêcheur qui veut s'acquérir des mérites.

On me prévient que la voiture est enfin sortie. Je mets le contact. Ko Kut à nous deux !

La maison que nous avons retenue a bon air. Mais elle n'est que vaguement meublée. C'est-à-dire qu'il y a des lits avec des matelas épais comme des blinis ; une table et des chaises sur la terrasse - le snack des moustiques ; une cuisine avec un réfrigérateur, un lavabo et un évier - un peu surprenant. Ils ont été assez malins pour regrouper dans la chambre à coucher et les écrans anti-moustique qui permettent d'ouvrir les fenêtres et l'air conditionné qui exige qu'on les ferme. Ailleurs on a le choix du supplice : étouffer ou se faire piquer.

Nous avons réussi à faire installer quelques lattes de bois pour interdire le passage d'une porte ouverte sur un vide de cinq mètres avec en bas, le lit caillouteux d'une petite rivière - certes idéal pour se débarrasser d'un invité désagréable, mais un peu dangereux pour le bébé.

Ça me fait penser, je t'ai dit que tu étais cordialement invité ?



1 commentaire:

  1. Je m'y vois déjà!
    Quelques aménagements, peut être?
    Chacun sait que le bricolage est un plaisir excellent pour le moral.

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