samedi 10 octobre 2015

Les cousins de Donald Duck




Aujourd'hui, de mon poste d'observation devant la basse-cour, je fais une découverte. Une loi de l'univers que je croyais immuable s'écroule.

Tu connais Donald Duck. Il n'est pas très débrouillard, et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas un winner. Mais c'est une grande gueule, un énervé du ciboulot, toujours prêt à râler et faire valoir ce qu'il pense être son droit.

Les autres membres de la famille sont aussi des personnages hauts en couleurs. L'oncle Picsou est un hyper-actif limite bipolaire qui se démène et saigne le monde pour s'enrichir. Riri, Fifi et Loulou sont dégourdis. Sans être agressifs, ils ne se laissent pas faire (au fait, ils ont une curieuse filiation ; sont-ils orphelins ? Ils ne sont pas les enfants de Donald - et Daisy - mais ils semblent à la garde de Donald ; ils sont ses neveux, et donc petits neveux de l'oncle Picsou ; ils ne sont pas non plus les enfants de Gontran, le cousin chanceux de Donald ; bref le silence plane sur le sort qu'on subi leurs parents, sort sans doute trop dramatique pour être évoqué ; ont-ils été mangés à l'orange ?)

Quant à Daisy, elle aussi a un fort caractère et n'hésite pas à flanquer des coups de son sac à main sur la tête de Donald quand il ne s'est pas montré à la hauteur. La grand-mère de Riri, Fifi et Loulou est tout sucre pour ses petits enfants, mais toujours prompte à réagir en cas d'injustice. Elle en remontre même à Picsou (dont on ne sait pas si c'est son frère, son beau frère, ou un parent de l'autre lignée ; il manque tant de monde dans cette parentèle ; canards laqués ?).

A côté, les poules qu'on trouve dans le monde de Disney sont des modèles de modération. Elles sont présentées comme des animaux paisibles et effacés, qui ne respirent pas l'intelligence et passent leur temps en commérages.

Comme les poules, les oies s'effacent devant les canards, qu'il s'agisse de Gus, dont la paresse et la sottise sont mises en exergue chaque fois qu'il apparaît, ou d'autres représentants encore plus effacés de l'espèce. Même le génial Géo Trouvetout, en dépit de son intelligence, n'est pas particulièrement incisif.

Bref, tu l'as compris, dans la basse-cour de Disney, les canards sont des animaux dominant. Ils ont du caractère. Ce sont eux les cadors.

En Thaïlande, c'est tout le contraire. Les canards sont des petits bras. Démonstration. Je pose dans la cours de la ferme l'écorce de la demie pastèque que je viens de manger. Les canards sont très intéressés, ils s'approchent tout de suite, ils commencent à picorer. Une poule paraît et c'est la débandade. Ils s'écartent et lui laissent la place ni combattre. Même si elle est seule. Pas le moindre coin-coin de protestation.

J'ai répété l'expérience plusieurs fois, dans diverses cours de ferme. J'ai observé. Les canards se disputent très peu entre eux - beaucoup moins que les poules, ils vivent paisiblement et n'essayent pas d'accaparer ce qu'ils trouvent (ou la bassine où ils se baignent). Ils sont sociables et égalitaires (sauf pour ce qui est du sexe). En revanche, les poules sont dans un système de hiérarchie très manifeste. Elles n'hésitent pas à distribuer des coups de bec. Elles se chamaillent sans arrêt, elles terrorisent les autres et leur suprématie n'est pas contestée.

Je comprends enfin pourquoi ma mère ne voulait pas que je lise Super Picsou Géant. Je croyais que c'était un ouvrage tout à fait sérieux de biologie animale, et je découvre aujourd'hui qu'il professait des vérités très approximatives. Oui, sans doute, ma mère était éprise de vérité scientifique...

Après l'effondrement de mes certitudes en éthologie, je vois ébranlé un autre pilier de mes connaissances. Partout dans le monde on chante des chansons aux bébés et aux enfants. C'est ce que tu crois et que je croyais. La berceuse comme constante universelle. Mais non : la Thaïlande fait exception. Je demande à Fon pourquoi elle ne chante rien à Nam. "Parce que je ne sais pas chanter" répond-elle. Mais sa mère non plus ne chante pas, ni son père, ni les nombreux visiteurs qui prennent Nam dans leurs bras. En Thaïlande, personne ne chante de comptines aux enfants. Ce n'est pas dans les habitudes.


Mais un ancien de la chorale des carabins ne saurait laisser son propre enfant dans la déshérance, sans éducation musicale. Je dois payer de ma personne. Je lance un timide de profondis morpionibus (je ne connais guère d'autre chanson en entier). La famille de Fon, autour de moi, s'étonne et s'émerveille de ma fibre paternelle et artistique.

Au troisième couplet (Tous les morpions moururent ou presque à l'exception des plus trapus qui s'accrochèrent aux poils du c…), passage particulièrement pathétique et sentimental, je vois Nam faire un large sourire dans son berceau. Les jours suivants, je recommence, elle est ravie. Heureusement, pour varier, je me rappelle aussi Jeanneton, et Ils étaient deux amants qui voulaient voyager, et une bonne partie du Père Dupanloup. Voilà une jeune fille qui va être nourrie aux humanités françaises ! 




3 commentaires:

  1. Même pas une souris verte qui courrait dans l'herbe....comptine dont on ne retrouve pas l'origine, ni le sens exact du texte,d'ailleurs assez étrange.

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  2. A vrai dire, j'avais retrouvé Frère Jacques et la première strophe du Petit Navire. Répertoire insuffisant, qu'il a fallu enrichir avec les moyens du bord. Oui, je me rappelle intégralement de cette souris verte que je vais tester aujourd'hui. Je partage totalement le point de vue sur le caractère énigmatique et d'ailleurs splendide de ce texte. Ce qui en fait en grande partie l'intérêt, c'est l'étrange rythmique sur 4 temps alternant en fin de mesure 2 croches une noire (ex : "par la queueue")ou deux noires (ex : "l'heer-bee"), rythmique dynamitée par les 2 phrases de la fin en 6 puis 11 temps.

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