vendredi 23 février 2018

Odessa Week-End, avec des images de Stéphanie en exclusivité !



Stéphanie M. : acné sévère. Rétrocession des signes cutanés en trois semaines sous antibiothérapie ciblée et isotrétinoïne.



Lem Nga, île de Si Ray : cancer invasif du tourisme, stade III. Aucun espoir de guérison, les pustules resteront (sauf traitement corse). Sujet définitivement défiguré. Taux de remplissage lissé sur l'année : 15%.

Le cancer du tourisme est une maladie qui s'attrape au contact des touristes. Il est extrêmement contagieux et irréversible. Il attaque les tissus sains et finit par corrompre des régions entières qui ne reviendront plus jamais à la santé : ici, la restitutio ad integrum n'existe pas.

– Les touristes s'aperçoivent pas ?
– Non ! ils se font éberluer, ça suffit ! y a pas plus cons que les touristes ! ils partent tout jean-foutres, prétentieux… ils reviennent encore plus jean-foutres et plus prétentieux !… tout saouls des boniments d'Agences… (L.F. Celine, Entretiens avec le Professeur Y)


Plus les populations sont fragiles sur le plan économique, plus elles sont sensibles au cancer du tourisme.

J'en ai eu un exemple aujourd'hui. Phil-a-Phuket m'avait conseillé de visiter le village des "gitans de la mer", un petit groupe ethnique qui vivait exclusivement de la pêche, reclus dans une partie isolée de Si Rey, à Phuket. L'endroit est maintenant une base de départ de vedettes pour les îles. J'y suis allé aujourd'hui. L'atmosphère y est pesante. Les gens n'y sont pas souriant comme dans la Thaïlande "normale". Les visages sont fermés. On les comprend : les touristes viennent maintenant les voir comme des bêtes de zoo.

En même temps, les gitans de la mer développent une industrie touristique un peu pathétique, colliers de coquillages ou de mauvaises perles, street food de qualité médiocre qu'ils vendent plus cher que sur le continent, restaurant à paillotes qui n'a plus que sa réputation pour lui (et ses prix pour surprendre).

Le front de mer a été empierré, ce qui est bon en cas de grande marée et de mers fortes. Il est surmonté d'une promenade en béton où les gitans ne vont jamais - c'est pour les touristes.

"La belle écaillère" ne s'enivre plus de champagne comme en 1833 mais les boissons sucrées lui font bien plus de mal.

Pour l'instant, le village est pauvre, sale, mais il a sa cohérence, il n'est ni beau ni laid, il est le lieu de vie de gens qui gagnent misérablement leur vie en allant sur la mer. J'ai la certitude que dans cinq ans, les commerces pathétiques vont tout envahir. Et là, ce sera carrément moche.

Les touristes sont une réelle nuisance, une tumeur infectieuse. Autrefois, quand il n'y avait que du tourisme de luxe, on faisait pousser un Grand Hôtel à Cabourg et c'était terminé. Maintenant, tout est gangréné. Ce n'est pas démocratique, mais c'est comme ça. Le pire est que l'infestation se nourrit d'elle-même : au début, c'est petit jeu, très vite on construit plus grand pour attirer plus de monde, ce qui incite à construire encore, à créer de nouvelles infrastructures, etc.

Ne viens pas me dire : et toi, tu n'es pas un touriste, peut-être ? Non, je ne suis pas un touriste, je suis un étranger : combien de touristes parlent thaï ? Je ne viens pas stimuler la construction et conchier la côte parce que je veux y passer une semaine : j'habite ici.

Le plus triste est que le tourisme est une sorte d'illusion, un pur effet du marketing. Les gens s'amusent autant, sinon plus au parc Asterix. La route côtière à Menton est plus spectaculaire que celle de Phuket. Et le Larzac bien plus beau que l'Isan.

Ils veulent du dépaysement. Un contact fort avec une autre culture. Alors pose des questions élémentaires, demande-leur qui est l'ennemi héréditaire des thaïs, par qui le pays a-t-il été colonisé, d'où provient le bouddhisme et tu verras qu'en fait de culture... 

Mais il faut qu'ils partent loin. On leur sert de la merde, et comme ils ont des goûts de chiottes, ils la bouffent, essuient l'assiette à blanc et en redemandent. Ils acceptent de se laisser traiter comme du bétail dans les avions. Malgré cela, ils sont toujours partant pour recommencer. La vacuité de leur cerveau est terrifiante - mais il faut bien qu'ils la comblent par de l'agitation et des spectacles bidons.

Non, encore une fois : ne viens pas me dire que je suis parti visiter des pays. Je suis allé m'installer dans des pays pour des raisons précises. Et je suis généralement resté sur place, j'ai très peu visité, sinon poussé par des obligations d'installation. Phuket, par exemple, je n'y serais jamais allé s'il n'y avait pas eu l'école.

Autrefois, je rêvais d'un tourisme respectueux, avec des zones d'habitation agréables mais concentrées épargnant les beautés naturelles du pays, et des transports fréquents et quasiment gratuits pour y accéder.

C'était bête.

Et puis le tourisme a sans doute des points positifs :
- même s'il est limité et essentiellement dans la tête des touristes, il y a un brassage de populations qui rend plus tolérant et annonce l'avènement du global village.
- la dépense des touristes stimule l'économie du pays, de l'ordre de 15 à 20% du PIB pour la Thaïlande (péréquation selon diverses sources).

D'ailleurs, on peut dire exactement la même chose pour la prostitution, qui est sans doute une très bonne chose !


Alors je reste serein, sur terre...

...comme sous l'eau !









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