mardi 28 avril 2015

De l'île Sempu au volcan Bromo (1)







Mohammad me demande de lui téléphoner à 5h30 du matin, ce que je fais consciencieusement, mais arrive avec une heure de retard au rendez-vous fixé à six heures. Il semble que ce soit une habitude chez lui. J'ai loué une voiture, et ce sera plus confortable pour couvrir la route qui mène à l'embarcadère pour l'île Sempu. Il paraît que là-bas, l'eau est transparente et qu'on peut y faire de la chasse sous-marine. Mon matériel est dans le coffre de la voiture.

Mohammad semble aimer conduire. Il ne lâchera pas le volant de la journée - ni de la nuit, car j'ai proposé de faire d'une pierre deux coups, puisque nous avions la voiture, et de partir la nuit pour le volcan.

Une fois sorti de la ville, on file dans une campagne très agréable. Filer est un bien grand mot, car si on roule à soixante kilomètres heure, c'est déjà bien. La montagne se montre plus présente, avec des décors magnifiques. Une ou deux fois, il y a un barrage moitié ouvert qui ralentit le passage, et des hommes avec des boîtes pour recevoir de l'argent. Pourquoi ? Mendicité organisée sur le bord de la route ? Je n'arrive pas à obtenir d'autres explications.

En route, nous parlons de choses et d'autres. Yuni professe un point de vue sans doute largement représenté en Indonésie et en Thaïlande : si on compare les japonais et les coréens, la palme revient aux coréens. Certes les japonais sont travailleurs et industrieux. Mais les coréens, eux, ont du style. Et c'est chez eux qu'il y a les meilleurs chirurgiens esthétiques. Une fois de plus, je m'étonne de cette image très positive qu'a su donner la Corée d'elle-même. En Europe, nous nous croyons le centre du monde et les rois du style. Mais ce n'est pas ce que pensent les gens en Asie du sud-est. Ils ont leur propre centre du monde, et ce n'est pas Londres ni Paris.

Yuni dit qu'il vaut mieux aller en voiture qu'à moto dans les villages reculés. Il y aurait des malandrins qui feraient des barrages et vous voleraient votre moto, coupe-coupe aiguisé sous la gorge du voyageur. Est-ce une légende urbaine, en l'occurrence rurale ? Yuni m'assure que non : une de ses amies aurait été traumatisée (et légèrement blessée à la gorge par le kriss) lors d'une rencontre de ce genre. "Il faut être à trois motos minimum pour ne pas avoir de problème", conclut-elle. Le site de l'ambassade confirme l'existence de ce danger.

Enfin nous arrivons à la mer. Éblouissement. Un vague regroupement de bâtiments utilitaires qui semblent là depuis trop longtemps. Quelques groupes d'hommes qui fument, qui tirent des filins, qui plaisantent et parlent fort. Des tas de corde, hauts comme un homme. Une moto qui a été sciée au milieu du siège - à part la roue, bien sûr. L'embarcadère se trouve au milieu des bateaux de pêche, très nombreux. L'un d'entre eux revient juste d'une sortie. On en sort une demie douzaine de thons qui doivent bien peser soixante ou quatre-vingt kilos et on les allonge sur le sol de la halle aux poissons, juste en face. Ils sont jolis, avec leur petite dentelure jaune vif sur le dos. On achète des petits thons pour le pique-nique. Je crois louer un bateau, mais je n'obtiens qu'un passage pour l'île, où l'on nous déposera sur une plage minuscule, et reviendra nous chercher. Yuni, qui négocie avec les pêcheurs, ne peut faire mieux.

 Nous embarquons dans un bateau en bois long de six mètres, équipé de nombreux sièges et bien pourri. Sur le roof, deux bouées antiques en tout et pour tout. Mais l'île Sempu n'est qu'à quelques centaines de mètres de la terre, et j'aurais pu y aller à la nage. Arrivé sur place, je m'équipe et fais une partie de chasse d'une heure. Un peu décevante. L'eau n'est pas claire. J'avais proposé qu'on me dépose dans des endroits plus lointains - il y a d'autres îles, des côtes plus éloignées - mais je me suis fait opposer une fin de non-recevoir. Je trouve quand même quelques cailloux à cinq mètres, et je finis par tirer un poisson d'une taille honorable, reconnu pour la finesse de sa chair. Un seul coup tiré, qui a fait mouche - je suis content.

Pendant ce temps, Yuni a allumé un barbecue, et fait griller les thons. Dommage qu'elle ait enduit ces poissons d'une sauce au goût trop fort, ils auraient été délicieux. Quand nous rentrons, une pluie tropicale s'abat sur la voiture, noyant le paysage de gris. Décor dramatique, splendide, avec cette végétation tropicale qui ruisselle. Il fait nuit quand nous arrivons à Malang. Nous nous séparons après avoir convenu de nous retrouver à minuit à mon hôtel pour aller à Bromo, là où se trouve le volcan. Il paraît qu'il vaut mieux partir de nuit pour arriver au petit matin et voir le lever du soleil dans la montagne. Je m'imagine à tort que je vais voir flamboyer des coulées de lave rouge et brûlante.

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