Il ne se passe rien à la
ferme. Que puis-je raconter ? Comme j'ai pris l'habitude de manger du
concombre bouilli découpé en lanières avec le riz ? Ce n'est pas très fort en
goût, le concombre cuit, mais c'est bon. Pas vraiment passionnant.
Comme les gens du coin
s'étonnent de me voir dans cet endroit (particulièrement l'épicerie où il y a
internet), et me posent systématiquement la question : "Mais comment
peut-on être persan ?" Je plaisante, ils n'ont bien sûr pas tes
connaissances.
M'étonner de ce que Fon
apporte un grand bol d'eau chaude à tous les repas, et le boit presque tout
entier. "Mais pourquoi ?" demandai-je. "C'est bon pour la
digestion, pour l'allaitement." répond-elle catégorique. En Thaïlande
comme en France, tout le monde est médecin et me donne des leçons. J'aurais dû
être mathématicien, j'aurais eu à supporter moins de lectures. Bref, je lui
fais remarquer qu'elle en buvait avant d'être enceinte. "J'aime ça",
grand sourire, et là, c'est sans appel. Il ne faut pas imaginer que ce
"bol d'eau chaude" soit une figure de style pour désigner du thé, ou
une tisane. Ou alors c'est un thé sans thé.
Ah si, il s'est passé hier un
évènement important. Un évènement qui a propulsé la ferme dans
un autre siècle - et sans Tardis ! J'ai obtenu qu'on pose une douche. A vrai
dire, je pensais simplement acheter un pommeau de douche avec un tuyau que
j'aurais branché sur le robinet de la salle de bain. Mais Fon m'a dit que son
frère allait installer une vraie douche.
Nous sommes allés acheter le
matériel dans une quincaillerie installée au milieu de nulle part (et j'en ai
eu pour un exorbitant huit euros). Il y avait trois mètres de tube de pvc,
quelques coudes et un T, de la colle, un kit de douche et quelques autres
bricoles. De retour à la ferme, Lamoun a très facilement retrouvé le tuyau adducteur
dans le sol de sable.
Lamoun est très gentil, mais
ce n'est pas un bricoleur génial. Je passerai sur les erreurs qu'il a
commises, notamment du fait qu'il n'a pas mesuré une seule fois une longueur de
tuyau ni prêté la moindre attention aux angles de branchement… Mais finalement,
la douche a été installée de façon solide et efficace : j'ai évité le problème
de la douche qui se pisse dessus - ces douches qui, une fois accrochées à leur
support, sont presque verticales, et dégoulinent dès que la pression baisse.
On ne dira pas assez le
bonheur de prendre une douche presque fraîche ici dès qu'on se sent en sueur. J'ai
rémunéré Lamoun, et pour fêter l'évènement, je suis allé acheter de l'alcool de
riz. Nous avons ouvert la bouteille, j'ai goûté. Ça ressemblerait vaguement à
la téquila - et les thaïs boivent d'ailleurs ce "lao" avec du sel.
Mais bon, après un premier shot, j'ai carrément préféré aller étrenner la douche. Maintenant,
à part Fon et moi, je me demande bien qui va s'en servir. Je vais guetter la
famille…
Il y a quelques jours, j'ai
rencontré un australien à l'épicerie. Un sexagénaire, au physique et à l'accent
très épais, mais plutôt sympathique. Il m'a raconté qu'il avait fait vingt ans
d'armée. Et qu'il était devenu ingénieur en construction, ingénieur en
carrelage, ingénieur en je ne sais plus quoi encore. Good for him. Il est
évidemment marié à une thaïe (very good wife), et il habite chez elle, derrière
le temple, seconde maison après celle de sa famille (very good family) en
attendant la fin de la construction de sa maison où il habitera avec sa femme
et son beau fils (very good lad). La première chose qu'il a faite, c'est
construire un mur, un immense mur qui emprisonne tout son terrain. Pourquoi ce
mur ? Personne ne construit de murs clos, ici (mais il est vrai que le manque
d'argent y est peut-être pour quelque chose). A-t-il peur d'être attaqué ?
L'environnement est particulièrement paisible. Veut-il s'isoler ? Il habite
tout au bout du village, et au-delà de son terrain, il n'y a que des champs -
dont le mur masque d'ailleurs la jolie perspective. Mais bon, il a son mur -
vingt-mille parpaings me dit-il fièrement.
L'australien me présente le
mari de l'épicière, que je connais évidemment déjà. "C'est le policier du
village. Very good man, yes, excellent !", insiste-t-il. Il y a dans sa
manière de le présenter quelque chose de légèrement colonial, une condescendance
que je n'aime pas.

Quand je raconte ma
rencontre à Fon, elle est déjà au courant. Elle me dira qu'il boit
de temps en temps trois bières (de 66 cl.) le soir dans la partie café de
l'épicerie, devant l'épicière, le policier et d'autres clients. Et qu'il dodeline
et pique du nez à l'amusement de tous. Jolly good fun !
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