dimanche 24 juillet 2016

La longue quête du mystérieux point 15.153899, 102.359468



La pêche miraculeuse
J’ai déjà raconté comment les thaïs vident tous les ans des petites mares à l’aide d’un gros tube équipé d’un système de vis sans fin. A l’aide d’une courroie, on branche ce système sur le rotor d’un motoculteur, à la volée - ce qui me semble très dangereux - et on retire toute l’eau. C’est l’occasion d’une pêche miraculeuse où on finit par traquer les poissons qui se cachent sous le boue noire - et il y en a beaucoup. C’est aussi l’occasion de vider une ou deux bouteilles de Cygne d’Or, l’alcool de riz local au prix imbattable de cinq euros le litre.

Ici, tout le monde adore le poisson, donc tout le monde veut sa petite mare. Il n’est pas rare de voir une grosse pelleteuse creuser un trou à peu de distance d’une modeste ferme. Le fait que l’eau dormante attire les moustiques n’est pas un problème - de toute manière, la maison est déjà entourée de citernes et vases. Le palud, c’est beaucoup plus au nord, du côté de la frontière laotienne.

A la campagne, l’eau est la chose la plus importante. Elle doit baigner les champs de riz - mais pas trop. D’où des systèmes de canaux, de buses qu’on ferme avec les moyens du bord, de pompes, de réservoirs.

L’eau est partout. Le ciel en déverse brutalement des seaux. Elle imprègne la terre rouge. Elle forme des mares, des étangs, des ruisseaux, on la canalise, on la retient, on la dérive, on la recueille - des pièces d’eau, ici, il y en a encore plus que de temples !

Il y a une semaine, on m’a signalé l’existence d’un nouveau plan d’eau. A vrai dire, je le connaissais déjà, mais avant l'arrivée des pelleteuses, c’était un marécage immense, assez joli pour que je fasse quelques photos.


Un marécage qui a disparu et dont il ne doit pas y avoir beaucoup de photos

Aujourd’hui, c’est une fosse quatre mètres en contrebas de la route qui la longe. On a creusé cette réserve car l’eau de l’étang près du temple est utilisée par quatre ou cinq village, et la pression n’est plus suffisante. Il faut donc trouver d’autres sources pour le réseau.

Pour l’instant, les berges ne sont pas couvertes de végétation. J’ai voulu aller nager - la terre était dure et irrégulière, à la descente j’ai fait le dernier mètre en catastrophe et je me suis étalé dans l’eau. Bon, de toute manière, c’était le projet.

Et la remontée, vu la pente, j’ai cru que je n’y arriverais pas. Tout ça pour une nappe d’eau de cinquante centimètres de profondeur, bien insuffisante pour nager agréablement. Dommage, elle fait environ quatre cent mètres de long, c’est honorable, pour une piscine... Fon me dit qu’avec les pluies, le niveau devrait sensiblement monter. Je surveille…

Car l’étang de Nonsung où je vais faire mes longueurs est à une quinzaine de kilomètres. La route de l’intérieur n’est plus praticable avec les pluies, il faut passer par la grande route - une plaie. Certes, j’en profite pour faire quelques courses au Big C. Mais quand même, c’est un peu loin. Ce nouveau réservoir, à un kilomètre à vol d’oiseau, pourrait constituer une heureuse alternative.

L’autre nuit, il a plu des cordes. Le matin suivant, je suis quand même parti faire un tour à moto avec Nam sur les genoux. Nous avons longé la nouvelle réserve d’eau. Un peu plus loin, une route que je n’avais jamais explorée jusqu’au bout - trop mauvaise, avec des passages boueux terribles. Je ne sais pas ce qui m’a inspiré ce jour-là, mais j’ai pris cette route. Deux portions en étaient complètement inondées. L’avantage de porter des crocs en permanence, c’est qu’on ne craint pas d’en ruiner le cuir s’il faut mettre pied à terre ! Nous avons roulé dans l’eau, en faisant de grandes gerbes. C'était joli, mais un peu angoissant.

L'étrange clocher (sans cloche)
du temple Kook
Plus loin, la route était un peu meilleure que dans mon souvenir. J’ai quand même pensé à rebrousser chemin. Mais l’idée d’emprunter en sens inverse tous les passages difficiles que nous avions réussi à franchir - non. J’ai poussé, poussé. Et finalement, j’ai reconnu l’étrange tour jaune du temple Kook. Sauvés ! La route du retour était très praticable.

Et c’est alors que nous sommes passés à côté du point 15.153899, 102.359468 ! C’est à dire par 15° de latitude Nord et 102 degrés de Longitude est. Et des poussières[1].

Sur Google Map, ce point ne correspond à rien. En réalité, c’est un petit plan d’eau de deux cents cinquante mètres de long sur quatre-vingts de large. Si on passe en street view, on le voit tel qu'il était il y a quelques années.

Il est bordé tout du long par un charmant rideau d’arbres. Assez encaissé pour être à l’abri du vent. Doté de quatre volées de marches, au quatre coins cardinaux. Apparemment exempt de nénuphars et de plantes aquatiques envahissantes.



Entrée libre toute l'année. Un rêve de nageur ! A trois kilomètres de la maison… Et j'en suis l'unique usager - à moins que tu ne me fasses le plaisir de venir nager avec moi ?


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[1]Le meilleur gag de tous les Tintin, selon moi, est dans le Trésor de Rakkham le Rouge. Les Dupon(dt) ont entrepris de faire le point au sextant et soumettent le résultat de leurs calculs au capitaine Haddock. Celui-ci enlève sa casquette, joint les mains et prend l’air recueilli :



"Découvrez-vous, mes amis, car d’après vos calculs, nous nous trouvons en ce moment dans la basilique de Saint Pierre de Rome…"


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