jeudi 21 juillet 2016

La mort



Un crématorium dans un temple de campagne

En Thaïlande, il n’y a pas de cimetières. Oui, bien sûr, c’est à cause de la métempsychose : les êtres se réincarnent en d’autres êtres, animaux ou humain. Mais il y a quand même un problème. Si tu te réincarnes en chat - même un gros matou bien gras - tu fais quoi de l’excédent de viande ?

Non : s’il n’y a pas de cimetières, c’est qu’on brûle les cadavres. Quand on se promène dans la campagne thaïe, on voit partout ces petits bâtiments en forme de locomotive à charbon, avec une immense cheminée, juste à côté des temples. C’est là. En France, je n’ai jamais vu un crématorium. Ici, j’en vois un tous les cinq kilomètres. Apparemment, l'évocation de la mort ne fait pas peur.

Quand quelqu'un est décédé, on célèbre le défunt pendant au moins trois jours. On met de la musique très fort et très traditionnelle. Je sais : le jeune fils bourré d’un voisin s’est pris un arbre en voiture et les ding-ding m’ont pris la tête nuit et jour avec une trop courte accalmie (minuit-quatre heures) pendant presque une semaine. Quand ce n'était pas les ding-ding, c'était les moines qui psalmodiaient leurs prières dans le haut-parleur en 80 décibels.

Le cadavre est toujours apporté à la maison, quel que soit le lieu de la mort. On l'allonge dans une boîte en bois. Il y a un mois, j’en ai vue une par hasard, posée sur un pick-up - une boîte très simple, pas du tout travaillée. Il y a sans doute plus riche. J'ai été surpris car elle était toute petite - évidemment, la taille du thaï...


Un autre. Les bâtiments religieux sont presque toujours dans un état impeccable

Les voisins passent, les amis - tout le village. La famille du mort doit nourrir tout le monde, il faut parfois emprunter à un voisin pour pouvoir acheter des provisions - tenir son rang, même le dernier dans la société, à tout prix. Les visiteurs aident à préparer les repas - qui sont simples, ici, à la campagne. Ils donnent aussi de l’argent pour le défunt (c’est à dire à sa famille), c’est une preuve de "mérite" : acquérir du mérite pendant sa vie est un élément essentiel pour un bouddhiste.

Le jour de la crémation, la boite en bois contenant le corps est emportée au temple, dans le bâtiment ad hoc. Le corps est brûlé avec sa boîte.

Après la crémation, on recueille les petits bouts d’os qui n’ont pas brûlé, on les met dans un genre d’urne. S’il y a un fleuve dans la région, on jette ces restes dans l’eau. Sinon, on les garde, et on peut les emporter au temple quand on va faire ses dévotions.

Trois mois après la crémation, il y a un rappel, avec invitation des voisins, et location de moines. Alerté par la musique, je suis passé devant la maison du type qui s'est tué en voiture. Il y avait un grand nombre de chaises de location alignées sous un dais. C'était tôt le matin, il n'y avait pas grand monde, on empilait les baffles énormes, je crois bien que c'était la fin des cérémonies.

La durée des festivités, la décoration éventuelle de la maison avec des fleurs, la location de chaises, de baffles, tout est fonction de l'aisance ou de la pauvreté de la famille du mort. Seules restent constantes la bouffe et la participation des moines.

Et bien sûr la crémation. Il se dit que l'âme d'un corps non brûlé reste à hanter les vivants, il devient un "phi", un mauvais esprit. Dans l'intérêt de tous, mieux vaut passer par la jolie locomotive.

Je trouve ces bâtiments magnifiques, je me retiens de les photographier tous - ils sont très répétitifs. En réalité, si j'écris cette page, c'est juste pour trier mes photos de crématoria et avoir un prétexte pour les montrer !


Encore un autre. A quoi peuvent donc bien servir les fenêtres
sur le côté du corps de chauffe ? A surveiller la cuisson ?

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