Il
faut que je poursuive mon enquête ! Ça fait déjà plusieurs verres à pied que je
trouve ici. Qu'est-ce qu'ils foutent en Thaïlande ?
Quand
on parle de la France dans beaucoup de pays, l'une des images qui vient, c'est
le vin. Mais en Thaïlande, la plupart des gens ignorent tout du vin et de la
patrie du Saint-Emilion.
Le
verre à pied, avec un profil triangulaire, comme on le dessinait dans les
publicités des années cinquante, est-il un élément spécifique à la culture
française ?
Je
m'étonne de trouver sur la vitre de notre autocar l'image d'une bouteille, qui
pourrait fort bien être une bouteille de Bordeaux, assortie d'un verre à pied
triangulaire. L'ensemble est barré d'un trait rouge épais et oblique, celui de
la barre du sens interdit, et le texte qui se trouve en dessous prohibe la
consommation de boissons alcoolisées dans le car. C'est au moins la deuxième
fois que je rencontre ce verre à pied triangulaire dans ce pays.
En
Thaïlande, on boit beaucoup de bière, beaucoup de cet alcool qui
s'apparenterait vaguement au whisky, le Cygne d'Or, à la limite un peu
de vodka. Mais certainement pas de vin. Pourtant, ici, et sauf erreur de ma
part, le symbole de l'alcoolisation, c'est le coup de jaja avec le verre à
pied. Doit-on crier cocorico ? C'est un peu ambigu.
Du
coup, pour protester, je me suis mis à l'eau. Je suis allé chercher une petite
bouteille d'eau gazeuse au marché d'à côté. L'homme qui servait m'a proposé de
la glace. J'ai cru qu'il m'offrait d'en emporter un peu pour mettre dans mon
verre, une fois rentré chez moi. Pas du tout ! Je l'ai vu prendre un sac en
plastique, mettre des glaçons dans le sac. Puis, sans que je ne puisse rien
faire pour l'en empêcher - tant j'étais médusé autant qu'horrifié - précipiter
le contenu de la bouteille dans le sac. Ajouter avec une démoniaque habileté un
trousseau de petits élastiques à un coin du sac, pour que je puisse le porter
confortablement avec un doigt, et plonger dans l'orifice rétréci une longue
paille. J'ai payé, remercié, et je suis parti, fier comme un premier communiant
avec mon eau gazeuse accrochée au petit doigt. Quel appareil majestueux ! Quelle
sophistication ! Quelle ingéniosité ! Tout ce service pour le prix misérable d'une
simple bouteille de soda !
Les
thaïs ont un usage très large du sac en plastique. Ils n'ont pas cet
effarouchement écologique qui a permis aux enseignes de la grande distribution
de si bien berner les français. En supprimant les sacs en plastique des
supermarchés, ces enseignes ont fait une économie considérable. D'abord sur l'achat
des sacs eux-mêmes. Ensuite sur le temps d'empaquetage, puisque la charge en
revenait désormais au client. Enfin, par la vente annexe de sacs dits
écologiques, tout aussi impérissables si on les abandonne dans la nature, mais
réutilisables - à condition qu'on ne les oublie pas d'une fois sur l'autre, ce
qui est pourtant la règle.
Aux
USA, la sensibilité écologique n'est pas moindre, mais le consommateur est
mieux loti. Au supermarché, on lui donne un magnifique sac en papier Kraft. Un
lycéen hyperactif, pour se faire de l'argent de poche, empile les courses dans
le sac et va parfois jusqu'à le porter jusqu'au coffre de la voiture. Dans la
boutique de spirits, le client se voit offrir un sac de brown paper plus petit
où il peut cacher sa bouteille de Southern Comfort. Tranquillement assis sur
siège large et confortable de son Oldsmobile couleur caramel il en boira
discrètement quelques gorgées avec son amie, la consommation publique d'alcool
étant interdite, en regardant le soleil se coucher sur le lac Michigan. Aucun
panneau montrant une bouteille de Bordeaux avec un verre à pied triangulaire ne
viendra troubler sa sérénité…
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